Textes de Marguerite Duras dits par Maud Andrieux.
En intitulant "Duras résistante", le spectacle qu'elle joue et met en scène, Maud Andrieux prête un peu le flanc à une vieille polémique sur les années sombres de l'écrivaine.
Même la biographe la plus bienveillante de Marguerite Duras, Laure Adler, est bien obligée que c'est le hasard des événements, et sa rencontre avec son mari Robert Antelme qui la fait passer de la collaboration à la "Résistance".
Membre du réseau animé par un ancien pétainiste et futur président de la République, François Morland, son activisme politique se limite justement à fréquenter Pierre Rabier, agent de la Gestapo, sous le prétexte qu'il peut l'aider à sortir son mari des griffes allemandes.
Dans son joli moment d'intimité durassien, Maud Andrieux se sert de deux textes qui éclairent le rôle de la "résistante" Duras : "Mr X dit Pierre Rabier" et "La Douleur". Avant l'emprisonnement de son mari, qui sera déporté et en tira un texte majeur sur les camps, "L'expérience humaine", Marguerite n'a rien à raconter de précis sur son engagement.
Mais quand survient le malheur, poussée par Morland-Mitterrand, elle accepte les rendez-vous que lui fixe Pierre Rabier. Personnage aussi sombre qu'Antelme est lumineux, il exerce sur elle une fascination d'autant plus morbide qu'il prétend tenir en ses mains le sort de l'écrivain arrêté.
Dans l'écriture de Duras restituée de sa belle voix à la Fanny Ardant, Maud Andrieux perçoit des non-dits. Femme apeurée, craignant le pire, qu'ont pu être les relations de Marguerite et de Pierre ?
Maud Andrieux alterne les deux textes, celui où Marguerite attend le retour de déportation de Robert Antelme, celui où Rabier, alors que les Alliés ont débarqué en Normandie, ne perçoit rien de qui est en train de se passer. S'il n'avait pas cru jusqu'au bout à la victoire allemande, n'aurait-il pas sauvé Antelme pour se sauver lui-même ?
Dans la pénombre d'une pièce elliptique avec une lampe, un fauteuil et un téléphone sur une tablette, Maud Andrieux raconte, à voix feutrée, submergée souvent par l émotion, cette danse de mort à trois, dont seule Marguerite paraît, quoi qu'il arrive, être sortie indemne.
C'est du beau Duras, du grand Duras. D'autant qu'il y a ce contexte et ce sous-texte mouvants. Comme toujours, la romancière et dramaturge réécrit l'histoire, la sienne et celles des autres qu'elle transforme en personnages. L'énigme Duras est là parfaitement restituée dans ce court moment de vrai théâtre. |