Tragédie de Corneille, mise en scène de Ulysse Di Gregorio, avec Justin Blanckaert, Dorothée Deblaton, Christopher Bayemi, Bruno Guillot, Coline Moser.
Il faut aller écouter les grands textes, pour la langue, pour l’émotion, pour l’intemporalité des vertiges humains.
Polyeucte s’ouvre à son ami Néarque de sa joie de nouveau baptisé au christianisme et tente de le convertir. Jeune marié - il vient d’épouser Pauline, fille du Gouverneur romain d’Arménie, Félix - il sait qu’il a été préféré à Sévère, lequel jouit de la faveur de l’empereur Decius, persécuteur des chrétiens.
Lors d’une cérémonie païenne, il provoque l’indignation en bravant les dieux fabriqués et en clamant la supériorité du Dieu vrai. Il préfère la mort plutôt que d’abjurer sa foi. Son sacrifice sublime provoque la conversion de Pauline et de son père. Polyeucte entre dans la sainteté.
Drame chrétien, qui provoqua la polémique, et stupéfie encore le brave contemporain, peu frotté au spirituel, Polyeucte offre de magnifiques envolées, servi par une langue lumineuse, le français, que le même contemporain ignore sans intention. Tous ceux qui ont connu un enseignement digne de ce nom murmureront quelques vers, tant connus, en accompagnant les comédiens.
Ceux-ci, parfaitement choisis, servent parfaitement le texte de Corneille, hélas quelque peu coupé - pour ne pas "assommer" le toujours contemporain, auquel on prête encore si peu de qualités - mais le ciseau coupable a été tenu par une main avertie.
Justin Blanckaert incarne un Polyeucte mystique, appelé, avec une autorité et un métier, que la sensibilité traverse : un ciel de maître flamand. Dorothée Deblaton convainc en Pauline fière et aimante, romaine, tandis que René Hernandez tient parfaitement le rôle du père noble et un peu roué, Félix.
Mention spéciale à Jean-Louis Cordina, excellent comédien de l’école de Vitez, qui est Albin. Coline Moser lâche de beaux accents en suivante de Pauline, tandis que Bruno Guillot s’empare avec la virilité requise du rôle de Sévère. Christopher Bayemi est un parfait Néarque, à l’excellente diction, tandis que Nino Rocher, jeune premier, est Fabian. Equipe homogène par le haut.
Quant au metteur en scène, il s’agit d’Ulysse Di Gregorio, remarqué pour la qualité de son travail (Pinter, Claudel, Koltès), abordant classique et contemporain avec une foi et une précision qui livrent des réussites, et qui a "découvert" Corneille avec une telle justesse (costumes, diction des vers) qu’il a signé, avec son "Polyeucte", une version post-moderne qui fera date.
Quoi de neuf ? Ce Corneille ! |