Réalisé par Rodrigo Plá. Mexique. Thriller. 1h14 (Sortie le 30 mars 2016). Avec Jana Raluy, Sebastian Aguirre Boëda, Hugo Albore, Nora Huerta, Daniel Giménez-Cacho, Emilio Echevarria et Ilya Cazés.
"Un monstre à mille têtes" de Rodrigo Pla confirme, après "El Clan" de Pablo Trapero, que les cinéastes sud-américains, et particulièrement les Mexicains, ne finissent pas tous à Hollywood pour faire le pire cinéma américain, celui qui gagne les Oscars, comme Alfonso Cuarón ("Gravity") ou Alejandro González Iñárritu ( "The Revenant").
À l'image d' "El Clan", "Un monstre à mille têtes" prend la forme du pur "thriller" pour dénoncer les tares des "démocraties" latines. Ici, une femme part en guerre contre la compagnie d'assurances qui a escroqué son mari.
Comme on est dans un monde où la santé est privatisé, sans l'aval de son assureur, pas question qu'il soit opéré. Or, pour gagner plus d'argent en ne pratiquant pas des opérations onéreuses, les compagnies égarent ou falsifient des dossiers de clients qui se croyaient garantis en cas de maladie grave.
Mais, Sonia Baquet, la femme de la victime, va remonter la filière avec un courage et une volonté inouïe pour comprendre les "dysfonctionnements" qui ont amené à la mort froidement programmé de son mari. Peu à peu, elle va comprendre que ce n'est pas par "erreur" que tout s'est enchaîné.
Sa violence désespérée, qu'elle exerce sous les yeux médusés de son fils, qui n'était fait que pour être lui-même un futur rouage de cette société prédatrice, devient une dénonciation impitoyable de ces "monstres à mille têtes", cyniques et corrompus, qui ont pris le pouvoir.
Rodrigo Pla a pris comme un personnage une femme "normale", typique de la classe moyenne. Mine de rien, il montre comment elle est acculée à agir contre la "loi".
Comme dans "La Zona" ou "La Demora", il sait traiter un sujet à plusieurs niveaux. Ce qu'il raconte, comme tout ce qui s'est passé notamment en Argentine, ne peut pas laisser indifférents les Européens... La fin du code du Travail et celle de la Sécurité sociale sont aussi programmés de l'autre côté de l'Atlantique par les mêmes intérêts économiques, qui ne pourront générer que les mêmes phénomènes de corruption.
"Un monstre à mille têtes" de Rodrigo Pla pourra peut-être "remaké" ou plagié par des cinéastes français dans très peu d'années.
On n'oubliera pas de souligner la prestation extraordinaire de Jana Raluy. On peut lire aussi son histoire comme un hymne à la résistance éternelle des petits contre les gros. Tel que le film se présente, c'est-à-dire sous la forme de son procès, on n'est pourtant pas sûr qu'elle triomphe finalement des Molochs financiers... |