Le Petit Palais propose régulièrement des expositions (re)découvertes
consacrées à des artistes aujourd'hui méconnus sinon oubliés.
Après le peintre Fernand Pelez ("Fernand Pelez, la parade des humbles") ou le sculpteur Jean Carriès
("Jean Carriès, la matière de l'étrange"), ainsi en est-il avec George Desvallières, figure influente de la scène artistique de la fin du 19ème siècle et de la première moitié du 20ème siècle notamment par la création du Salon d'Automne destiné à accueillir les "refusés" des salons officiels, promouvoir les avant-gardes artistiques et la redécouverte des grands maîtres oubliés.
Surnommé le "peintre apôtre", acteur du renouveau de l'art sacré et fondateur avec Maurice Denis des Ateliers d'art sacré constitués comme une communauté et une école d'artistes chrétiens, sa notoriété auprès du grand public n'a pas survécu à son temps.
Isabelle Collet, conservateur en chef au Petit Palais, et Catherine Ambroselli de Bayser, théologienne et petite-fille du peintre qui a élaboré le catalogue raisonné de son oeuvre complet, assurent le commissariat de la première rétrospective qui lui est consacrée avec une sélection d'oeuvres picturales et l'évocation des
grands programmes décoratifs
auquel il a participé.
Sous le titre "George Desvallières, la peinture corps et âme", elles rendent compte, en sections chrono-thématiques scénographiées par Cécile Degos et clairement identifiées par un code couleur, de l'évolution tant stylistique que conceptuelle d'une oeuvre qui opère par l'exaltation du corps physique. George Desvallières, du nu héroïque magnifié au corps glorieux idéal
Par son registre centré sur la représentation de la figure masculine et son évolution du profance au sacré, l'oeuvre de George Desvallières permet une immersion dans l'Histoire de l'art en regard de deux genres picturaux, le nu masculin et la peinture de dévotion.
En effet, l'allégorie de "La Grèce" sous forme d'une pulpeuse naïade retenue pour l'affiche n'est pas représentative de l'oeuvre exposée qui comporte peu de figures féminines.
Dont celles regroupées dans une section "Femmes de Londres et du Moulin Rouge", avec des portaits ou scènes de genre
esquissés sur le vif dans une veine expressionniste, tels "Le Grand Chapeau", "Le Boston","Couple dans une calèche", "Un coin du Moulin Rouge" "Femme au chapeau" et "Femme au col de fourrure" mis en résonance avec "A Tabarin" de Georges Rouault.
Formé par Jules-Élie Delaunay, élève de Delacroix et Ingres, rénovateur maniériste de la tradition classique qui l'initie au nu masculin, puis par Gustave Moreau, maître du symbolisme empreint d'homo-érotisme, George Desvallières
peint de grands nus virgiliens, des corps masculins et musclés, plus naturalistes que ceux du premier et moins androgynes que ceux du second.
Ils sont mis en scène dans de collectives occupations ludiques
("Tireurs à l'arc", "Joueurs de balles", "Sonneurs de trompe") qui se manifestent sous forme d'ambivalents ballets et enlacements inspirés des scènes allégoriques à l'antique.
De même il aborde les thèmes mythologiques chers à Gustave Moreau dans de grandes peintures décoratives ("Narcisse", "Eros", "Hercule au jardin des Hespérides").
La révélation divine le conduit à se consacrer à l'art sacré et au traitement des sujets bibliques et liturgiques
avec des corps douloureux ou torturés propres à représenter un corps glorieux idéal dans le cadre d'un renouvellement de la peinture religieuse.
Celui-ci se manifeste par l'affranchissement du nu académique et la rupture avec l’imagerie saint-sulpicienne qui présidait à la peinture de dévotion pour verser dans un expressionnisme chrétien qui ressort au réalisme sublimé pour signifier tant l'humanation de la figure christique ("Christ à la colonne"), par une morphologie doloriste, que la douleur physique du corps charnel des saints et martyrs auxquels il assimile le sacrifice des Poilus.
Ensuite, il tempère ce qui pourrait verser dans l'extase morbide par le symbolisme idéaliste pratiqué par Maurice Denis sans renoncer pour ses saissantes compositions ni à sa palette chromatique colorée et ses clairs-obscurs ("L'ascension du Poilu", "Sainte Marie, Reine des Anges","Les bourreaux clouent Jésus sur la croix").
Après la sortie de l'exposition qui s'effectue sous la coupole peinte par Maurice Denis
et illustrant l'Histoire de l'Art Français, le visiteur pourra regagner une salle du Petit Palais dédiée aux concordances esthétiques entre George Desvallières et ses maîtres et poursuivre son périple avec la visite de la chapelle Saint-Yves et de l’église du Saint-Esprit à la décoration desquelles il a participé.
A noter également que, simultanément, le Musée Rolin d'Autun présente un accrochage d’une trentaine d’oeuvres de George Desvallières au sein de ses collections permanentes.
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