Avec
l'exposition "L'Atelier en plein air - Les impressionnistes en Normandie", le Musée Jacquemart-André a choisi un thème en résonance avec la saison et une thématique classique et récurrente notamment depuis la création du Festival Normandie Impressionniste.
Toutefois, les commissaires,
Claire Durand-Ruel Snollaerts et Jacques-Sylvain Klein, historiens de l'art, et Pierre Curie, conservateur du Musée Jacquemart-André, ont eu la bonne idée d'y appliquer un didactisme plaisant qui séduira les néophytes comme les amateurs éclairés.
En effet, ils ont conçu un parcours placé sous le signe de la "géographie impressionniste" comme une invitation au voyage qui, par ailleurs et de manière subtile,s'articule autour de plusieurs approches croisées.
Celles-ci, avec un florilège d'une quarantaine d'oeuvres présentées dans une scénographie de Hubert Le Gall dynamisée par la ponctuation de reproduction d'images d'archives, éclairent tant la genèse et le développement du mouvement pictural profondément ancré dans son temps que l'émergence du genre du paysage de plein air.
Du périple touristique dans la Normandie du temps des Impressionnistes à l'Histoire de l'Art
En premier lieu, l'exposition fait un point historique en situant l'impressionnisme comme couvrant presque l'intégralité du 19ème siècle depuis l'influence de la peinture anglaise, notamment avec Turner, sur la naissance d’une école française du paysage jusqu'aux séries portuaires de Pissaro peintes en 1896 qui se cristallise au début des années 1860 avec le développement d’une école de la nature lors des rencontres à la Ferme Saint-Siméon, une auberge honfleuroise qui prend des allures de colonie d'artistes.
Ensuite, une approche géographique en raison de l'attrait et de la variété des paysages normands qui inspire les peintres, tous explorant tant le littoral que le bocage.
De la Côte d'albâtre avec ses hautes falaises crayeuses à la Côte fleurie avec ses casinos, thermes et hippodromes en passant par la Côte de nacre
et son arrière-pays lumineux, et de ports en falaises, d'estuaires en vallées, la Normandie offre une myriade de sollicitations pour la peinture sur le motif.
Même Degas ("Course de gentlemen. Avant le départ") et Renoir ("La baie du moulin Huet", "La côte près de Dieppe") cèdent à cette tentation.
L'exposition regorge de toiles inattendues et/ou atypiques telles les bateaux et barques de pèche du port 'Honfleur immortalisés par Monet dans un style fauve, l'unique peinture de port de Gauguin et l'embouchure de la Seine de Courbet dont le ciel a été peint par Boudin.
De même pour une rareté, un nocturne du peintre néo-impressionniste de l'École de Rouen Charles Augrand, ,("Le pont de pierre à Rouen") et une toile du fondateur du cloisonnisme Louis Anquetin ("La Seine près de Rouen").
Le cours Seine constitue l'incontournable fil bleu des impressionnistes que, simultanément en 2010 lors de la première édition du festival cité in limine, le Musée des impressionnismes avait remonté avec l'exposition "L'impressionnisme au fil de la Seine", et le Musée A. G. Poulain de Vernon avec "La Seine au fil des peintres".
En l'espèce, n'est évoquée que la portion comprise entre Rouen,
avec l'éclosion de l'Ecole de Rouen, et Giverny,
haut lieu de l'impressionniste avec la figure de Monet et sa célèbre colonie d'artistes.
Enfin, une approche sociologique dès lors que l'essor du transport ferroviaire et, surtout, le développement d'une civilisation des loisirs avec l'apparition de villégiatures balnéaires pour les classes aisées, créent une alternative aux marines et proposent un nouveau sujet pour la peinture de genre qui va retracer les novations de l'époque.
Ainsi à la scène populaire des marins et des paysans au labeur se substitue la scène de plage.
Initiée par Boudin, elle représente les classes aisées dans leurs oisiveté et leurs mondanités et permet de feuilleter, sous forme picturale, un magazine d'actualités devenu historique, bouclant ainsi la boucle. |