J’avais rendez-vous avec toute l’équipe de 20 000 Lieues sous les Mers samedi dernier. Voici ce qu’ils m’ont confié :
En premier "lieu", je vais vous demander de vous présenter… Malvina ?
Malvina Meinier : J’ai 27 ans, je suis née en banlieue parisienne. J’ai commencé la musique très jeune. Ma maman (Florence) jouait du piano et le fait d’avoir cet instrument sous les yeux, chez moi, m’a donné envie de "pianoter" dès mes 3 ans. Mes parents m’ont inscrite au conservatoire dès qu’ils ont pu, j’avais 6 ans. Je devais avoir une dizaine d’années, pas plus, le jour où je leur ai dit que je voulais être compositrice. Je n’ai jamais voulu être professeur de piano ou concertiste, par contre c’était très clair pour moi : je voulais écrire de la musique, diriger des orchestres éventuellement.
J’ai fait mon petit parcours en me heurtant à ceux qui me disaient que je n’y arriverai jamais et j’ai poursuivi mon chemin jusqu’à mes 21 ans. L’écriture de la musique remonte à mes 16 ans environ. J’ai diffusé mes compositions sur ma page Myspace de l’époque et aussitôt un directeur de Festival italien m’a contactée. Nous nous sommes rencontrés, une fois, deux fois et au bout de la cinquième, il m’a proposé de produire mon premier album The Wise One qui a été enregistré à Milan et à Brescia.
Pour ce premier album, tu as été auteur et compositeur ?
Malvina Meinier : J’ai tout fait de A à Z, j’ai écrit, composé (pour piano, voix et violoncelle) et dirigé les musiciens. J’ai eu la chance d’avoir la participation de l’ingénieur du son du dernier PJ Harvey et Vincenzo Lazzi qui est un grand théréministe italien. Je l’ai sorti en autoproduction et j’ai pu le vendre grâce à un petit label parisien Camaraderie Limited qui m’a aidée à faire des concerts. Ils ne distribuaient que des artistes étrangers mais ils m’ont trouvé des salles pour me produire.
Cet album a été le déclencheur de beaucoup choses. Sa sonorité cinématographique m’a permis d’être approchée par des réalisateurs qui souhaitaient me faire composer leur musique de film ou documentaire, jusqu’au jour où Nabil Ayouch, qui était en train d’écrire le film Les Chevaux de Dieu (ndlr : sorti en février 2013 et qui obtint pas moins de 4 prix, notamment à Cannes et 20 nominations en France et à l’étranger) m’a contactée pour faire sa musique. Ce film m’a permis d’obtenir un prix pour la bande-son au Festival de Tanger puis tout s’est accéléré. Les rencontres se sont multipliées. Je travaillais (composais) beaucoup, notamment pour la websérie interactive Apocalypse mais je voulais écrire un deuxième album. Mon inspiration partait vers d’autres univers, plus électro.
Mon deuxième album est très différent du premier. C’est un concept-album, sur un voyage spatial. Avec pour but de conjuguer ma formation classique et de l’intégrer dans quelque chose de plus actuel. J’ai fait pas mal de recherches sonores, comme auprès de la Nasa pour m’inspirer de sonorités que je puisse reproduire avec des machines, tout en conservant un côté orchestral. Je voulais traduire en émotion et en musique ce que pouvait m’évoquer l’espace, les trous noirs, l’espace-temps, le soleil… L’album est une succession de phases qui s’enchaînent avec des valeurs métriques un peu complexes qui interpellent, peut-être un peu difficile à aborder (ndlr : cet album fait partie des contreparties Ulule, et dédicacé !).
Quel est le nom de cet album ? Tu l’as sorti quand ?
Malvina Meinier : Home et il est sorti en mars 2015, il y a un an, sous le label Midnight Special Records : une super équipe de supers bons musiciens. J’étais très contente de faire cet album avec eux et je suis très fière de ce projet dont l’instrument majeur est l’orgue. Je suis tombée amoureuse de cet instrument il y a quelques années. C’est rigolo parce que quand mon professeur de piano me l’a fait découvrir, je trouvais ça très compliqué et c’est lors d’un concert, dans un temple, que j’ai redécouvert l’instrument, j’ai été fascinée.
Ça faisait 20 ans que je faisais du piano et je me suis tout naturellement dirigée vers cet instrument qui se rapproche un peu du synthétiseur pour composer et enregistrer cet album, il en est un peu son ancêtre d’ailleurs si on y réfléchit. L’enregistrement de l’orgue, des choeurs féminins et des cuivres s’est déroulé dans un temple pour l’acoustique si particulière et pour avoir des reverbes naturelles. On a même samplé note à note chacun des tuyaux de l’orgue, du coup je peux jouer de l’orgue d’église chez moi avec un clavier MIDI. Ces nouvelles sonorités ont apparemment séduit Monsieur Thomas Guerigen qui a pensé à moi pour ce beau projet de 20 000 Lieues sous les Mers, avec le Capitaine Nemo qui joue de l’orgue dans son vaisseau (rires)…
Peux-tu nous parler de ton rôle dans 20 000 Lieues sous les Mers ?
Malvina Meinier : Quand Thomas (Guerigen) m’a proposé de travailler sur ce projet, ça m’a parlé, je me suis sentie captivée par son univers, j’ai accepté de suite. Ce qui est très important pour moi dans l’écriture musicale, c’est le concept. J’étais partie dans l’espace sur mon dernier album, là on part sous l’eau : c’est tout ce que j’adore, des univers très définis. Du coup, j’ai été "submergée" d’idées (rires)...
Tu as donc écrit la musique mais est-ce qu’il y a des paroles, est-ce qu’il y aura des chansons ?
Malvina Meinier : Ah ah ! Cela reste à définir !
Thomas Guerigen : Moi je pense que oui ! (sourires) En tout cas, des paroles "à la Malvina Meinier"…
Malvina Meinier : En tout cas, ça me donne envie d’explorer des contrées inédites de mon univers musical. Sans vouloir trop en dévoiler, il va y avoir un vrai travail de recherche sonore. J’ai plusieurs idées, peut-être des enregistrements sous marins pourquoi pas. Je suis en train de réfléchir à tout ça, ça va être une véritable expérimentation et c’est ce que j’adore dans ce métier. Je n’ai fait que des choses très classiques pour le cinéma jusqu’à maintenant et ce projet me permet de recréer un univers sonore comme je peux le faire en tant que compositrice sur mes projets musicaux, avec une vraie recherche, et faire parler mon propre Capitaine Nemo…
Thomas Guerigen : Et c’est pour ça que je tenais à impliquer Malvina dès le début du projet. J’ai pensé à elle parce que j’avais adoré son premier album et que je l’avais suivie sur le deuxième plus conceptuel. J’avais aimé cette démarche d’aller chercher des sons de la NASA, de les réutiliser, de les transformer, et le fait de se servir d’un orgue m’a fait penser au Capitaine Nemo. Comme sur mon projet, la musique a une grande importance, sans tout dévoiler, et tout n’est pas encore écrit, faire appel à Malvina m’a semblé être une évidence.
Thomas Guerigen, tu es le réalisateur de ce projet, peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas encore ?
Thomas Guerigen : Je suis réalisateur de films d’animation, je n’ai pas de style en particulier, comme peuvent en avoir d’autres, parce que j’aime bien explorer différentes techniques que je teste à travers des courts-métrages ou des clips vidéos. En revanche, j’ai un univers. Je ne fais pas ça depuis longtemps, j’ai changé de métier il y a 6 ans. Avant j’étais Model Maker : je fabriquais des objets et des maquettes pour les besoins de la photo publicitaire. J’avais un atelier dans lequel je travaillais de mes dix doigts et je suis donc arrivé à l’animation à travers la maquette et la marionnette.
J’ai réalisé un premier court-métrage et je me suis dit : c’est vraiment ce que je veux faire. Comme j’ai mis trois ans à faire ce premier court-métrage, j’ai décidé de me lancer à temps complet dans cette profession, pour me permettre de lancer des projets aussi fou que 20 000 Lieues sous les Mers. C’est un classique qui a déjà été fait, vu, adapté et justement la gageure est d’essayer de réinventer le mythe du capitaine Nemo, du Nautilus et de 20 000 lieues sous les Mers.
C’est un projet de court-métrage ou de film ?
Thomas Guerigen : C’est un projet de long-métrage, pour le cinéma ou la télévision, selon les partenaires qui nous suivront. Pour convaincre des "décideurs", on vient de monter une plateforme de financement participatif sur Ulule afin de réaliser trois minutes d’animation, un pilote, c'est-à-dire un petit court-métrage, qui serait comme une bande-annonce, un teaser qui n’est pas destiné au grand public mais qui servira à démarcher les professionnels du 7ème art, avec - on l’espère - de belles images, une belle musique et un beau scénario.
Donc si on décide de vous aider, en faisant un don sur Ulule, c’est pour cette réalisation de teaser dans l’espoir de le voir se transformer en long-métrage ?
Thomas Guerigen : Voilà, concrètement pour l’instant il ne s’agit que de la réalisation du teaser.
Comment t’es venue l’idée de ce long-métrage ?
Thomas Guerigen : J’ai toujours adoré les bouquins de Jules Verne, depuis tout petit. Je suis également très fan du film de Disney de 1954 avec Kirk Douglas et James Mason. Je suis fan de science-fiction et que quelqu’un fasse de la science-fiction au 19ème siècle m’a toujours fasciné. Jules Verne était un visionnaire et j’aimerais me "plonger" dans son univers marin. Ce que Malvina souhaite faire en musique, moi j’aimerais le faire avant en images, c'est-à-dire donner ma vision de l’univers marin. Je me dis même que ce pourrait être un "film concept", pendant lequel on ne sort même pas la tête de l’eau, tout pourrait se passer sous l’eau, c’est une idée, je ne sais pas si c’est ce qu’on fera, et je ne sais même pas si c’est faisable…
Raphaël Granier de Cassagnac : Si, si, c’est faisable !
Malvina Meinier : En tous cas, moi ça m’inspire !
Pour l’adaptation et l’écriture du scénario, tu as directement fait appel à Raphaël ?
Thomas Guerigen : J’avais dans un premier temps contacté mon ami Régis Jaulin, scénariste d’animation pour lui proposer d’écrire une adaptation de 20 000 Lieues sous les Mers, ce à quoi il m’a répondu : "Moi non, mais j’ai la personne qu’il te faut". Et il m’a dirigé vers Raphaël, que je ne connaissais pas mais avec qui je me suis découvert des amis et des univers communs. C’est une très belle rencontre.
Nous allons peut-être passer la parole à Raphaël pour qu’il se présente à son tour ? Raphaël, tu es donc le scénariste de ce projet.
Raphaël Granier de Cassagnac : Je m’appelle Raphaël Granier de Cassagnac, je suis romancier. J’ai écrit deux bouquins d’anticipation, c’est-à-dire de science-fiction, assez proche de nous, Eternity Incorporated et Thinking Eternity, je dirige aussi une collection d’écriture collective Ourobores, chez Mnémos, dans ce cadre j’ai coécrit et édité un livre sur Jules Verne - c’est pour ça que Régis Jaulin a pensé à moi - qui s’appelle Un an dans les airs, et qui raconte une année alternative de la vie de l’écrivain Jules Verne.
Jules Verne serait parti en 1870 dans une ville volante utopique, comme une parenthèse dans sa vie, fictive évidemment, et qui l’aurait inspiré pour écrire tout ce qu’il a écrit par la suite. C’est un prétexte pour mettre au même endroit un Capitaine Nemo, un Phileas Fogg, un Robur le Conquérant… Je m’étais donc déjà plongé dans l’histoire de 20 000 Lieues sous les Mers. A l’époque où Thomas cherchait son réalisateur, je travaillais avec Régis sur Jadis, un autre livre de la collection, c’est ainsi que la connexion s’est faite. La première fois que j’ai rencontré Thomas, je lui ai offert Un an dans les Airs, le courant est passé et nous nous sommes lancés dans cette adaptation de 20 000 Lieues sous les Mers.
Quel est donc précisément ton rôle dans cette aventure ?
Raphaël Granier de Cassagnac : L’écriture du scénario. Dans un premier temps, celui du pilote. On a exploré plusieurs pistes avec Thomas et on est finalement parti sur l’idée que j’avais déjà plus ou moins utilisée dans Un An dans les Airs, à savoir celle que Jules Verne aurait véritablement fait un voyage sous la mer, qu’il a véritablement parcouru 20000 lieues. Et qu’il n’a pas pu raconter tout ce qu’il a vu au cours de ce voyage à cause de son éditeur et de la censure. Ça nous donne un prétexte pour revisiter l’histoire du Capitaine Nemo. Exit le personnage du professeur Aronnax, on le remplace par Jules Verne lui-même. Ce sera un des personnages du film, on va le mettre en scène avec potentiellement pas mal d’anecdotes, des choses de son passé.
On prétend donc détenir la véritable histoire. Et c’est Jules Verne lui-même qui va vous la raconter. Il ne serait peut-être pas tout seul, mais accompagné d’autres personnages célèbres. Tout dépendra de la géométrie du film, s’il est composé pour un format TV ou cinéma. Tout sera revisité avec un éclairage particulier sur Jules Verne, en restant plus ou moins réaliste, sur les gravures ou les graphismes, notamment sur la construction du sous-marin ou des scaphandres (ajoute Thomas). Bien évidemment, le présupposé du départ de l’histoire est dingue mais pour y croire, nous allons essayer d’être le plus réaliste possible.
Autre dimension souhaitée : le côté écologiste, avec un Capitaine Nemo comme éco-terroriste au sens noble du terme. Il est révolté contre l’humanité qui commence à faire tant de mal à la planète et n’hésite pas à couler des baleiniers par exemple, parce que la chasse à la baleine est juste une horreur pour lui. On va renforcer pas mal cet aspect là pour s’inscrire aussi dans notre époque.
Enfin, la musique va être intégrée dans le scénario puisque dans le Nautilus il y a un orgue ! C’est à la fois incontournable dans un Jules Verne et fascinant. Le Capitaine Nemo de Verne ne joue que des classiques, de tout sauf Wagner qu’il déteste. Ici la composition sera intégrée au scénario, peut-être même que la musique aura un rôle dans la propulsion ou la communication dans le Nautilus. Nous allons donc intégrer les trois composantes : graphiques, sonores et scénaristiques pour que ce soit le plus cohérent possible. Et puis ce n’est pas n’importe qui le Capitaine Nemo, mais on ne le dit pas tout de suite… (sourires)
C'est-à-dire ?
Raphaël Granier de Cassagnac : C'est-à-dire que si vous voulez découvrir le visage de notre Capitaine Nemo, il faut donner des sous sur notre plateforme de financement participatif, un rideau se lève progressivement et à un moment donné, on découvrira le visage du Capitaine Nemo…
Ça donne envie et nous sommes impatients ! La conclusion qui s’impose : participez, participez, participez !
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