Réalisé par Nassima Guessoum. Algérie/France. Documentaire. 1h16 (Sortie le 27 avril 2016).
"10 949 femmes" de Nassima Guessoum raconte l'histoire de Nassima Hablal, l'une des 10 949 moudjahidas qui ont reçu une pension d'ancienne combattante pour avoir participé à la libération nationale de l'Algérie.
Ce chiffre, qui englobe toutes celles qui ont appartenu à une cellule du FLN, ne comptabilise évidemment pas toutes les femmes qui, d'une manière ou d'une autre, ont été impliqué dans le mouvement pour l'indépendance.
"10 949 femmes" pourrait tout simplement s'appeler "Nassima par Nassima" où la plus ancienne, celle qui a combattu toute sa vie, transmet à la plus jeune, la franco-algérienne pas forcément au courant de ces combats, transmet son histoire, comme une grand-mère le ferait à sa petite-fille.
Née en 1928, Nassima est en effet une sacrée bonne femme, une sacrée belle femme et une grande âme. Ce qu'elle a fait, ce qu'elle a enduré, ce qu'elle a vécu appartient non seulement à l'histoire de l'Algérie mais à l'histoire universelle.
Sans être grandiloquent, on peut affirmer qu'elle a écrit une page admirable du combat des femmes pour s'émanciper. Torturée par les parachutistes, emprisonnée plusieurs années, elle affirme avec un grande sourire que "la prison est une expérience". On y perd un peu de son temps, de sa vie, mais c'est une expérience".
Toujours joyeuse, dans un français admirable, celle qui n'était considérée par l'administration française que comme "une secrétaire indigène", n'arrête pas de chanter. D'Aznavour à Juliette Gréco, elle chantonne toujours des paroles pleines de sens. Celle qui dit un moment "qu'elle est une drôle de cocotte", aime à fredonner "Je suis ce que je suis", le poème de Prévert.
Et c'est vrai qu'elle est ce qu'elle est : un exemple pour toutes les femmes arabes ou pas, musulmanes ou pas. En plus, elle n'a pas sa langue dans sa poche, et n'oublie pas de fustiger tous ces faux révolutionnaires masculins qui ont accaparé l'Algérie depuis 1962, ces "progressistes" qui ont fini par voté une loi soumettant la femme à l'autorité de leur mari.
"10 949 femmes" de Nassim Dessoudé n'est pas explicitement féministe, mais outre Nassima, on découvrira d'autres belles figures de "lutteuses", telle la copine de Nassima, Baya Taoumiya Laribi, horriblement torturée et violée par les militaires français, mais qui avoue aussi avoir donné la mort. Telle aussi Nelly Forget qui fut la compagne de prison de Nassima, et qui, avec Germaine Tillion, appartînt à ses Français qui luttèrent en Algérie contre le colonialisme.
On aimerait que ce portrait à la fois émouvant et revigorant soit vu par les collégiens et les lycéens, pour qu'ils y apprennent la simplicité du choix entre se soumettre ou se libérer. Même si les nostalgiques de l'Algérie française et les machistes de toutes obédiences des deux côtés de la Méditerranée s'y opposeraient, ce serait peut-être le meilleur moyen de montrer que ses femmes courageuses se sont battues pour autre chose qu'une cause nationaliste.
A la fin de sa vie, malade, seule, Nassima était un peu désabusée. Grâce à une autre Nassima, elle doit, là où elle ou n'est pas, avoir repris espoir car "10 949 femmes" de Nassima Guessoum a donné un sens à son existence. Ce qu'elle y dit avec beaucoup de sensibilité et d'intelligence est une leçon qui finira certainement par servir aux générations futures. |