Réalisé par Federico Veiroj. Espagne/France/Uruguay. Biopic. 1h20 (Sortie le 4 mai 2016). Avec Álvaro Ogalla, Marta Larralde, Bárbara Lennie, Juan Calot, Kaiet Rodríguez, Andrés Gertrudix et Jaime Chavarri.
Ceux qui ont vu "La Vida Util", le film précédent de l'Uruguayien Federico Veiroj se précipiteront pour voir "Dieu, ma mère et moi", plus clairement intitulé en espagnol, "El Apostata" (L'Apostat).
Ici, pas question de suivre les aventures quasi-inexistantes d'un cinéphile timide, enveloppé et surtout abonné à la mythique cinémathèque de Montevideo.
En effet, pour tourner son troisième film, Federico Veiroj a traversé l'Atlantique et rejoint l'Europe et la très sainte Espagne catholique. Avec, en personnage principal, son propre scénariste, Alvaro Ogalla, un sympathique barbu qui a une idée bien singulière : devenir apostat, c'est-à-dire quitter officiellement les rangs des baptisés selon le rite catholique.
Pour cela, lui qui vit une vie bien banale et bien fauchée, va devoir "affronter" la puissante Eglise catholique espagnole, qui n'a vraiment pas envie de voir une ouaille abandonnée le troupeau. Accessoirement, mais c'est là aussi un sacré "accessoire", il lui faudra aussi subir les foudres de sa mère qui considère sa décision comme une "lubie" dirigée contre elle.
Par moments, Alvaro Ogalla, qui n'est pas du tout un acteur professionnel mais qui est sans doute pour cela formidable, a des petits côtés Nanni Morretti de la grande époque, celle où il n'était pas devenu un bobo romain sentencieux à l'ego quasi égal de celui de Berlusconi.
"Dieu, ma mère et moi" de Federico Veiloj est une comédie pince-sans-rire, pleine d'autodérision qui culmine dans une séquence dans la maison de famille où sont réunis tous ses membres.
Mine de rien, on y comprend ce qu'appartenir à une communauté veut dire, même si celle-ci, ayant fait le tour de toutes les inquisitions et se débattant pour l'heure dans des problèmes d'enfants de choeur, prétend avoir perdu de sa superbe. Alvaro est évidemment le vilain petit canard du clan, et bien qu'il n'ait pas l'esprit d'un provocateur, son initiative fait tâche.
Pourtant, s'il est joyeux rêveur et un invétéré loser, c'est peut-être pour oublier qu'un œil transcendantal le surveille et qu'il lui doit des comptes, quoi qu'il n'ait pas demandé à être oint sur les fonds baptismaux. Il pense, à tort ou à raison, qu'apostat il pourrait repartir du bon pied et vivre sans être épié par cette divinité encombrante...
Dans "Dieu, ma mère et moi", les faits sont plus ténus que têtus. On pourrait affirmer qu'il ne se passe pas grand-chose et que ce pas grand-chose est si proche du rien que ça en devient réjouissant. Un pareil art de ne rien dire tout en disant l'essentiel confirme les promesses entrevues dans "La Vida Util"
Sur le fond, on pense souvent au "Sourire de ma mère" de Marco Bellocchio, où le héros était confronté à un autre drame : celui d'un total athée dont la mère allait être canonisée. Dans les deux cas, le poids du catholicisme est lourd à porter, surtout pour celui qui croit s'en être débarrassé.
"Dieu, ma mère et moi" de Federico Veiroj fera donc en priorité rire les mauvais esprits bunueliens et ceux qui sont allergiques aux Dieux de tout poil. En plus, grâce à ce film singulier, vont être nombreux ceux qui auront appris le mot "apostat". Cela peut toujours servir. |