Monologue dramatique de Samuel Beckett interprété par Jacques Weber dans une mise en scène de Peter Stein.
De toutes les pièces de Samuel Beckett, "La dernière bande" n'est pas la plus immédiate. Krapp enregistre sur la bande d'un magnétophone son journal intime de l'année écoulée. Les bandes magnétiques sont numérotées et archivées dans des boîtes métalliques.
Au soir de sa vie, il décide d'écouter la bobine cinq de la boîte trois, enregistrée trente ans auparavant, alors qu'il avait 39 ans. Le spectateur assiste alors aux réactions de cet homme solitaire et vieillissant devant sa voix sortie du passé.
Krapp occupe son temps non à revivre son existence d'antan, mais la pensée de celui qu'il a été, celle d'un homme en cours d'écriture. Dévorant des bananes, Krapp et ses bottines de taille 48, refont ces gestes que le spectateur devine rituels, années après années, avant de placer la bobine sur le magnétophone.
Il faut un acteur capable d'exprimer la rage et le désabusement tout en conservant une subtilité de jeu pour interpréter le vieux Krapp. En effet, pendant la moitié de la pièce, le public assiste à l'action fort peu dramatique en apparence d'un personnage à l'écoute d'une bande magnétique.
Même dissimulé sous le maquillage, c'est le grand Jacques Weber, sa large silhouette et sa sensibilité débordante qui est en scène. Le personnage de Krapp se pare alors d'un poids, d'une pesanteur accentuée par la gravité terrestre. Par son souffle rauque, ses gestes lourds, ses déplacements gauches, Jacques Weber incarne avec une force colossale les états d'âme, autant que les états de corps, de Krapp.
La mise en scène de Peter Stein, très respectueuse des indications de Beckett, vise au cœur de l'oeuvre de l'auteur irlandais, révélant le pathétique autant que la clownerie du personnage. On soulignera aussi le soin porté au son et aux silences qui traversent bien évidemment cette pièce.
Au-delà de l'aridité inhérente à la pièce, cette version de "La Dernière Bande" est un impressionnant moment de théâtre. |