En 2010, le "Circuit Céramique - La scène contemporaine française" organisé par le Musée des Arts décoratifs, montrait que la céramique avait le vent en poupe dans la création contemporaine française.
Mais ce qui semblait une révélation s'inscrit, en réalité, dans une continuité historique dès lors que cette technique ancestrale n'a jamais déserté les ateliers d'artistes, notamment au 20ème siècle, ainsi que l'illustre l'exposition "Ceramix - de Rodin à Schütte".
Conçue par le binôme de commissaires indépendants composé de Camille Morineau, ex-conservatrice des Collections contemporaines du Centre Pompidou, et de Lucia Pesapane, historienne de l’art, elle offre un panorama international de la vitalité de la création contemporaine dans le registre de la céramique sculpture tout en la situant dans une lignée historique qui atteste de la vivacité de cette technique ancestrale réactivée par les avant-gardes du début du 20ème siècle.
Présentée initialement en Hollande au Bonnefanten Museum à Maastricht, elle se développait selon un parcours chronologique d'amplitude mondiale avec l'insertion de focus thématiques et de salles monographiques.
En France, elle se déroule concomitamment à la Cité de la céramique de Sèvres et à la Maison rouge à Paris scindée en diptyque qui s'affranchit de l'historicité, au bienvenu didactisme pour le visiteur néophyte, en procédant notamment à un regrettable éclatement des premières sections chronologiques et, de surcroît, à Sèvres, à une dissémination au sein des collections permanentes, qui ne facilitent pas une vue synthétique.
La céramique sculpture, quand les artistes jouent avec le feu
A la Maison Rouge, en introduction, avec un raccourci saisissant, les masques de grotesques de Jean Carriès qui entrent en résonance avec les mascarons abstraits de Catherine Lee et les "Basler Maske" grimaçants de Thomas Schütte montrent le chemin parcouru.
Après la salle consacrée aux expérimentations céramistes des peintres français d'avant-garde avec les vases-femme de Picasso en terre blanche englobée, les masques de André Derain et, moins connues, les maquettes maison de Raoul Dufy, le visiteur est propulsé par un voyage instantané dans le temps et dans l'espace, dans la Californie des années 1960-1970, qui constitue un des points forts du parcours.
En effet, les deux mouvements antagonistes, avec les céramiques "abstraites expressionnistes" de l'Otis Group et le "Funk Art", sorte de dada-kitsch figuratif initié par Robert Arneson constituent d'étonnantes découvertes.
Autre découverte, côté monographies, celle d'un outsider, la sculptrice française Elsa Sahal qui, face aux blockbusters tels Thomas Schütte avec ses surfaites miniatures, les "Keramik Sketches", ou le prolifique et médiatisé Johan Creten et ses oeuvres pop-baroques, s'affirme avec les sensuels corps féminins morcelés et fortement érotisés de sa série "Pole Dance", dansant en suspension dans l'air, et s'impose avec ce beau travail sur la verticalisation du classique nu couché présentés en regard des petits assemblages de nus féminins de Rodin.
Pour les focus nationaux, dans celui concernant l'Amérique latine ordonné autour de la thématique des vestiges et construction identitaires, l'oeuvre "Poissons" du plasticien mexicain Gabriel Orozco,
des rebuts de tuiles, d'une entreprise belge, portant la marque de doigts, ne manquera pas d'interpeller le visiteur.
L'érotisme, le corps sexué et la dualité Eros-Thanatos constituent un des tropismes récurrents de la céramique contemporaine
avec les natures mortes macabres de Carolein Smit, les porcelaines planches de Rachel Kneebone inspirées des "Portes de l'Enfer" de Rodin, les hybridations monstrueuses de Han Van Wetering ou les bibelots kitsch de Shary Boyle et Jessica Harrisson.
Ensuite, en route pour la Cité de la céramique de Sèvres...
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