Comédie dramatique de Michel Vinavern mise en scène de Gilles David, avec Alain Lenglet, Clotilde de Bayser, Louis Arene et Anna Cervinka.
"La Demande d'emploi" de Michel Vinaver. Reprise d’une pièce d’un auteur d’avant-garde, en son temps, qui écrivit de nombreux succès, montés par les plus prestigieux metteurs en scène de son époque (Vitez, Planchon).
Le malheureux Fage, la quarantaine abasourdie, flanqué d’une fille contestataire et ovulatoire, d’une épouse gentille et "solutionneuse", gratté par un "chercheur de têtes" sadique et intrusif, tente de survivre à une dépression annoncée, traversé de voix et incapable de faire jaillir la sienne.
La douceur de vivre s’éloigne. La crise approche. La modernité glapit, sûre d’elle, comminatoire, totalitaire. Reste un pauvre bonhomme ballotté et malheureux : le contemporain.
La Comédie française accomplit sa mission de conservatoire, en exhumant cette pièce dont la forme dût surprendre, décousue, amputée de virgules, et qui repose sur le rythme et l’interjection.
La mise en scène de Gilles David respecte parfaitement l’esprit de cette œuvre, servie par une distribution parfaite. Alain Lenglet, si aimé du public pour son allure, sa beauté et son jeu, tendre, désespéré, hurle, dans un silence de glace, qu’il n’en peut plus sans jamais être écouté.
Clotilde de Bayser incarne sa femme, bienveillante, aimante, sans doute, mais ne voyant plus son mari, comédienne à la finesse élégante et à la présence troublante. La nubile "gosse de riche" est jouée remarquablement par Anna Cervinka, très douée, qui rend le côté insupportable de cette fille à papa en roue libre.
Enfin mention spéciale à Louis Arene, formidable dans le rôle du recruteur au sourire abject (finissant par ressembler à un banquier-ministre à la mode), personnage féroce, brutal, broyeur d’humain : bravo !
Certes, le texte a vieilli et les voyages en Caravelle à Londres pour faire avorter fifille ou les descentes de Courchevel provoquent quelques sourires mais la qualité des comédiens et de la mise en scène permettent de passer un moment de vrai théâtre, avec une tragédie banale mais bien réelle. |