Comédie dramatique écrite et mise en scène par Charlotte Lagrange, avec Hugues De La Salle, Guillaume Fafiotte, Julie Palmier, Martin Selze et Marie-Aude Weiss.
Avec "Aux suivants", Charlotte Lagrange propose un texte qui cherche à embrasser les maux le la société libérale.
Ici, des parents à l'âge de la retraite réclame à leur fille unique le remboursement de tous les frais qu'elle leur a occasionnés. Deux frères réinvestissent l'entreprise familiale après le suicide de leur père. Un chercheur qui quitte son emploi s'aperçoit qu'il n'est remplacé par personne.
Charlotte Lagrange parle de "fils narratifs" qui s'entremêlent. Toujours est-il que sur une scène rendu multipolaire par la scénographie de Camille Riquier s'enchaînent sans à- coups avec des dispositifs ludiques récurrents : d'une part, un homme commente les aléas d'une société fondée sur "l'homo debitor", de l'autre quatre personnages jouent à une espèce de "Monopoly numérique", mille fois plus cynique et impitoyable que l'original que l'auteure appelle d'ailleurs le "Kervielopoly".
Pièce "chorale" où l'un ou plusieurs des personnages d'un des théâtres d'opération se retrouvent dans le suivant, "Aux Suivants" progresse vers l'inévitable explosion, consacrée par la métaphore du volcan en éruption.
Tentée d'employer les "trucs" théâtraux du moment (fumée, micro HF), Charlotte Lagrange n'en abuse cependant pas et reste concentrée sur sa démonstration, sans jamais qu'elle devienne une leçon assénée aux spectateurs. Même s'il s'agit d'une critique économico-sociale, elle se dispense des facilités qu'elle pourrait utiliser et s'appuie sur des histoires familiales qu'elle mène à leur terme saynète après saynète.
Les retrouvailles des deux frères n'aboutit pas au résultat escompté et est propice à un joli moment poétique "au-dessus" du volcan. L'inversion des valeurs entre les parents et leur fille finit par n'avoir plus de sens quand le cours des générations reprend son rythme "normal".
Ce que Charlotte Lagrange réussit à faire comprendre, avec quelques redites quand elle utilise trop le "Kervielopoly", c'est le mal-être général actuel, la déstabilisation des valeurs spirituelles par des concepts économiques désincarnés, avec quand même une petite lueur d'espoir pour que triomphent ce qui fait la grandeur humaine.
Texte qui ne pourrait n'être qu'une suite de poncifs attendus et démagogiques, "Aux suivants" de Charlotte Lagrange fournit, au contraire, beaucoup de choses à défendre à son quintet d'acteurs. Ce qu'il donne à voir est un moment de théâtre qui a la modestie de ne jamais se transformer en leçon.
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