Réalisé par Safy Nebbou. France. Aventure. 1h40 (Sortie le 15 juin 2016). Avec Raphaël Personnaz et Evgueni Sidikhine.
Des paysages époustouflants, un dépaysement instantané, une plongée dans un ailleurs presque rêvé, voilà ce qui frappe d'emblée dans "Dans Les forêts de Sibérie" de Safy Nebbou.
Teddy (Raphaël Personnaz) a décidé de quitter la civilisation. Traversant en camion le lac Baïkal gelé, il se retrouve dans une cabane au fin fond de la Sibérie.
Quand le propriétaire de l'endroit lui propose non pas de la louer mais de l'acheter, sa réponse fuse : il accepte. Ce qui ne devait durer que quelques jours, plusieurs mois au plus, va devenir une retraite à durée indéterminée... Et tout se précipite, car ces amis ne tardent pas à l'abandonner, avec comme cadeau "réjouissant" un fusil pour affronter les ours !
Seul... Seul au monde et au bout du monde. La grandiose solitude de Teddy commence. Tel un Robinson Crusoé continental, il explore son environnement, commence à l'appréhender, à le comprendre. Il découvre qu'il doit lutter contre le froid, le vent, le gel. Il réussit à briser la glace pour que l'eau du lac jaillisse... et à échapper à un ours très attiré par sa réserve de nourriture...
Raphaël Personnaz est convaincant malgré son physique plus propice à jouer les jeunes cadres dynamiques, plus jeune francilien qu'aventurier baroudeur. Au contraire, son absence de charisme "physique" ajoute une fragilité nécessaire à son personnage. Ce n'est pas quelqu'un qui va triompher nécessairement de l'adversité qu'il devra affronter, mais un homme normal qui doit se transcender pour vivre cette vie sauvage singulière.
Safy Nabbou, dont a pu voir des films de facture assez classique, comme "Le cou de la girafe" ou "Un Autre Dumas", ne cache pas qu'il s'est "librement inspiré" du livre "Prix Médicis Essai" de Sylvain Tesson.
Cela veut dire, qu'à la différence du récit de la "star" des écrivains-voyageurs, il n'était pas question de conter les états d'âme d'un solitaire dans les grands espaces sibériens. À la "pureté" introspective et intimiste du propos de Tesson, il a préféré bâtir une fiction, certes minimale, mais assez conventionnelle dans laquelle Raphaël Personnaz n'est plus le seul protagoniste.
Safy Nebbou lui a adjoint un alter ego en la personne d'un braconnier-trappeur (Aleksei) joué avec une grande sensibilité par Evgueni Sidikhine. Héros romanesque au possible, fuyant un crime commis douze ans auparavant, Aleksei permet à Safy Nebbou d'évacuer sa crainte d'ennuyer son public en ne filmant qu'un homme seul dans des paysages plus grands que sa vie.
Evidemment, cela passe par une ou deux scènes de confession d'Aleskei qui paraîtront inutiles à ceux qui auraient préféré ce que Sylvain Tesson imaginait en plaisantant pour l'adaptation cinématographique de son film : "un plan séquence de 52 minutes avec un haïku japonais en son milieu"
On regrettera donc une seconde partie du film plus attendue, qui pousse "Dans les forêts de Sibérie" de Safy Nebbou vers un cinéma plus consensuel et familial, qui ressemble assez à celui de Nicolas Vanier, comme "Le Dernier Trappeur". Restera aussi à supporter la musique du trompettiste Ibrahim Maalouf, présente à chaque instant, parfois très insistante, parfois très envoûtante.
Mais il ne faudra pas pour autant bouder cette promenade grandiose dans un monde qui mérite vraiment le grand écran.
"Dans les forêts de Sibérie" est à savourer par tous ceux qui seront réconfortés de savoir qu'il existe encore des endroits où l'homme n'a pu triompher de la nature et n'est pas près de la domestiquer. |