"Mélo" : le mot est souvent péjoratif. Il est synonyme de grands atermoiements, d’excessives afflictions, d’outrance… On considère d’un mauvais œil tous ces sentiments exacerbés, on les trouve naïfs, ridicules ou indécents. Est-ce donc là le crime du "mélo", cette implication totale qu’il requiert du spectateur, cet appel constant aux émotions ?
La Cinémathèque française laisse le spectateur trancher cette délicate question. Rendant à ce genre protéiforme ses lettres de noblesse, elle propose, du 15 juin au 31 juillet 2016, un panorama du mélodrame français. Voici l’occasion de (re)découvrir des films souvent oubliés, et de lire l’histoire du cinéma français sous un nouvel angle. Car les splendeurs et les misères du mélodrame sont emblématiques des périodes historiques qu’il traverse.
Comme le rappelle le directeur de la programmation Jean-François Rauger, le mélodrame s’impose comme un genre majeur en France entre les années 1910 et les années 1940, avant que la désillusion de l’après-guerre ne le marque de son empreinte, avant que la Nouvelle Vague ne s’en distancie (tout en s’en inspirant).
Avant qu’il ne renaisse, riche de toutes ces épreuves, à la fin des années 1970. Cet été, donc, tous les grands maitres du mélo sont là : Ophuls, bien sûr, Grémillon, Lherbier... Sans oublier Vecchiali et Resnais. Mais on rencontrera aussi des cinéastes moins illustres : Czinnner, qui signe une première version de la pièce "Mélo" de Bernstein, ou encore Léonide Moguy. On est aussi curieux des films de Jean Benoît Levy et de Marie Epstein.
Alors, oui, on sait qu’on retrouvera ces personnages du mélodrame qui nous sont familiers, les filles abandonnées, les femmes déchues, les hommes trompés. On sait que les histoires d’amour n’échapperont pas à la fatalité et à la cruauté du monde, que la joie des premiers temps sera vite remplacée par les plus grandes souffrances. On sait que se déploieront toute la bassesse et toute la noblesse des êtres.
Et pourtant, on s’attend aussi à être ému par chacun de ces récits, par chacun de ces portraits. On aura envie de prendre la passion au sérieux, ne serait-ce que le temps d’un film. Car si le mélodrame a une vertu, c’est bien d’éveiller en nous cette qualité humaine première : la compassion.
En ouverture, la Cinémathèque française a choisi l’un des maîtres incontestés du genre : Abel Gance et le film "Vénus aveugle". Car le cinéaste n’est pas que le père du mythique "Napoléon", il est aussi l’auteur de portraits sensibles : celui de la "Mater Dolorosa" dans le film éponyme, celui d’un amour fou dans "Paradis perdu", deux œuvres antérieures à cette "Vénus aveugle", et toutes deux projetées au cours du cycle. |