Tragi-comédie de Copi, mise en scène de Stéphane Auvray-Nauroy, avec Michèle Harfaut, Julien Kosellek, Mathieu Mullier-Griffiths, Florian Pautasso, Eram Sobhani et Olivier Tchang-Tchong.
Montée en 1987 par Jorge Lavelli au Théâtre de la Colline avec une éblouissante distribution (Michel Duchaussoy, Catherine Hiegel, Judith Magre, Jean-Luc Moreau...), "Une visite inopportune" est la dernière pièce écrite par Copi.
Cette farce macabre sur le Sida est d'autant plus prémonitoire que son auteur en est mort pendant les répétitions. Trente ans après, alors que le souvenir des "années Sida" s'estompe, que les tri-thérapies ont heureusement limité l'ampleur de l'épidémie, en revenir à la pièce de Copi, c'est revivre cette époque où les homosexuels fauchés par ce virus naissant, et encore inconnu moins d'une décennie avant, la mort était inexorablement au rendez-vous.
Copi fut le premier - et l'un des seuls - à en rire... Sa pièce, élégante dans l'exagération, prend aujourd'hui force de témoignage. Dans sa version, Stéphane Auvray-Nauroy saisit très bien cette dimension tragi-comique et ose aller jusqu'à la surcharge, sans jamais franchir la limite de la vulgarité et du voyeurisme.
Leste, mal embouché, plein d'appétit malgré tout, le texte de Copi fonctionne très bien dans la bouche des jeunes gens qui l'interprètent ici. L'idée d'avoir fait de l'infirmière un travesti en hauts talons et en bas noirs n'est absolument pas gênante. Tout au contraire, le rire salvateur et grotesque ne cesse de fuser quand l'infirmière est porteuse des pires nouvelles...
Si Molière est mort après avoir écrit et joué "Le Malade Imaginaire", Copi, lui, est finalement décédé avant la première représentation de cette "visite inopportune", qui aurait pu s'appeler "Le Malade Réel".
Toute la distribution, de Michèle Harfaut, Julien Kosellek, Mathieu Mullier-Griffiths, Florian Pautasso, Eram Sobhani et Olivier Tchang-Tchong, est à citer tant chacun, présent en permanence sur scène, apporte sa pierre à cette version réussie et hilarante.
Ce n'est pas évident de réussir à faire rire sur la mort quand on a pas l'abattage des artistes cités qui ont créé la pièce. On est donc en présence de très bons comédiens auxquels on souhaite des carrières aussi riches que leurs devanciers.
En rappelant que Copi est un auteur majeur, le seul peut-être qui, s'il avait survécu, aurait pu être en concurrence avec Dario Fo pour devenir le premier dramaturge "soixante-huitard" à être nobélisé, Stéphane Auvray-Nauroy est déjà à féliciter. Qu'il tire tout son suc d'"Une visite inopportune" est aussi à souligner.
Avec une grande finesse, il rappelle à l'ordre chaque spectateur à cette mort, qui sous forme de sida, de zika ou de cancer, rôde autour de lui. A l'aide du chaos faussement ou vraiment joyeux de Copi, il répète après Montaigne que connaître la mort au lieu de l'ignorer, c'est déjà en triompher.
Un peu de philosophie et un immense éclat de rire : voilà le secret de sa belle leçon de théâtre. |