Jour 1 - Péleriner
Ce cinquième pèlerinage de notre part aux Eurockéennes s'annonce sous les meilleurs auspices puisque sous la triade magique que composent le soleil, la solitude et la sérénité. De fait, on foule le sol du Malsaucy avec le sentiment un peu égoïste d'y laisser une nouvelle trace, on salue les têtes familières avec le plaisir non feint de passer pour une habituée, on se laisse servir la première bière du bar du boulot et l'on écoute calmement les premiers battements de cœur de cette nouvelle édition.
Les Londoniens de Pumarosa, au club Loggia, ouvre le festival de manière douce et suave – ce qui fait dire à certains qu'ils sont insipides... J'apprécie néanmoins l'univers d'Isabel Henry, dont les inflexions de voix rappellent, selon les titres, une certaine Beth Gibbons. Une honnête entrée en matière.
Je mettrai ensuite, dans le même sac musical, les sets de Bagarre et de Vald. Les premiers prétendent à la new wave, le second se joue du hip-hop – et parfois parfaitement, quand il fraie avec La Gale notamment. Mais là, l'indigence musicale est telle qu'on ne sait pas vraiment si c'est sérieux ou si les deux formations proposent un énième délire éphémère fondé sur du rien. Entre "Bonsoir, nous sommes Bagarre" des uns (suivi de tous les titres de leur premier EP, hurlés par cœur par les groupies du premier rang) et l'absence de présence scénique de l'autre, on sèche littéralement. On écoutera donc Vald comme avant, à dose réduite avec une attention mêlée d'un peu de dégoût. Enfin, respectons ceux qui aiment, évitons leurs foudres, et passons notre chemin (c'est-à-dire, sortons de l'impasse).
Entre ces deux moments d'abrutissement cérébral, heureusement, The Last Shadow Puppets batifolait sur la grande scène. Si mon avis est qu'ils sont meilleurs en salle, et de nuit, on est quand même content de les voir s'amuser comme deux gosses guitares à la main, même si, à la fin, on se demande si Turner n'en fait pas un peu trop... Question playlist, on retombe toujours sur les mêmes : "My mistakes were made for you", "Only the truth", "Used to be my girl", "Bad habits", "Totally wired", "Sweet dreams, TN" et surtout une belle reprise de "Moonage daydream" de Bowie. Une valeur sûre, sans éclat pour cette fois-ci.
Voici ensuite LA (savoureuse) découverte de la journée, au club Loggia : Chocolat. Des riffs parfaitement rock psyché, de belles balades, des cheveux longs, la voix exceptionnelle de Jimmy Hunt, allant de l'outre-tombe à l'aérien, de grands et beaux moments instrumentaux, de la reverb à foisons : un rock habile et puissant, poignant et entêtant. Réécoutons Piano Elégant (2008), achetons Tss tss, leur dernier album, et profitons de ce béni retour en scène...
Comme Les Insus n'ont pas voulu de nous dans le pit, on se réjouit de revoir Breakbot. Et là : stupéfaction. La Plage semble être vidée de ses festivaliers. Car si les Eurocks affichait complet ce vendredi, c'est avant tout parce que les Insus étaient là... Breakbot n'en perd pas moins de sa superbe, et c'est encore un plaisir d'entendre et de bouger sur cette électro groovy aux accents old shool, en appréciant particulièrement un scénique bien équilibré entre les musiciens – et quelles lumières, encore une fois ! Un belle, belle partie de plaisir, entachée néanmoins par l'ivre jeunesse qui s'écroule à mes pieds en pleurant sa barquette de frites perdue (ça marche aussi avec le petit copain) pendant qu'au loin le remake Téléphone continue, en égrenant un propice "Cendrillon" et un bien nommé "Au cœur de la nuit". Fin des Insus, fin de la soirée ? Une vague gigantesque déferle vers la sortie, laissant au festivalier erratique la place nécessaire, et même plus, pour divaguer entre les stands.
On se presse néanmoins pour apprécier la soul bien rauque et bien country de Nathaniel Rateliff, qui figure le deuxième coup de cœur musical de la soirée, et pour l'énergie pure et sincère sur scène (fait de plus en plus rare, ma bonne dame), et pour la claque musicale.
Ty Segall and the Muggers terminera ma soirée, de façon assez mitigée, en raison d'un début catastrophique, avec des balances sans fin et un peu nerveuses, où des doigts se lèvent et se baissent ad libitum à la recherche de la perfection du son – ce qui n'est pas au goût du public impatient. Avec un bon quart d'heure de retard, Ty Segall commence son show en français par un "je suis.... je suis..." "en retard !" hurle une festivalière futée. C'est garage rock, parfois plus garage que rock, en raison d'un son très "noisy", cependant parfaitement assumé et assorti de salopettes, dans le pur cliché du mécanicien du coin. L'impression est malgré tout assez bonne, et vient en tous les cas confirmer l'engouement total autour de ce groupe venu asseoir sa place avec Emotional mugger, sorti en janvier dernier. On a un peu honte de le dire, mais le son est meilleur à la maison...
|