Comédie dramatique de Jonas Hassen Khemiri mise en scène de Mélanie Charvy, avec Aurélien Pawloff, Paul-Antoine Veillon, Yasmine Boujjat et Millie Duyé.
Au Royaume de Suède, parmi de beaux êtres blonds, sociaux-démocrates et éco-responsables, vivaient deux amis, plus bruns de peau, plus chauds de sang, qui communiquaient par téléphone portable.
Un soir, un merveilleux feu d’artifice…Tiens, non, ce sont des voitures qui explosent. Alors, le conte est factice ?
Le choix de cette pièce, habilement traduite et adaptée par Marianne Ségol-Samoy, révèle un goût pour la prise de risque, que maîtrise avec professionnalisme le jeune metteur en scène, Mélanie Charvy, signant là une charge détonante contre la fausse intégration qui se traduit désormais par de vraies déflagrations.
Amor est un garçon sensible, aimant et peu adapté à la vie normative des sociétés occidentales. Son ami, Shavi, lui, domestiqué, est le parfait pousseur de poussette, le porte-bébé béat, qui couve "sa puce" et s’émerveille devant sa première banane plus ou moins bien ingurgitée. Les deux sont rongés par l’angoisse, téléphonant sans cesse, qui à une cousine voilée, l’autre à son copain, compulsivement.
Deux femmes traversent cet univers, plus adaptées, chacune portant un amour qui ne réchauffe pas, un amour qui sauverait tout. Les hommes sont seuls dans un monde étranger, suspects, discriminés, détaillés, incriminés et condamnés d’avance. Alors, comment ne pas céder à la tentation de résoudre une existence où la vie ne prend pas, par une action morbide et fulgurante ?
Pièce d’une brulante actualité, texte provoquant sur l’horreur de l’inassouvissement personnel dans un univers sur-protégé, "J’appelle mes frères" de Jonas Hassen Khemiri est un coup de poing à l’estomac, servi par des comédiens vibrants, Aurélien Pawloff, impressionnant, Paul-Antoine Veillon, le petit frère tendre et intuitif, qui incarne avec une grande force la gentillesse qui blesse, Yasmine Boujjat, excellente et juste, Millie Duyé, la femme qui refuse sa main et ne sauve pas le monde, très inspirée.
Ces jeunes gens frappent fort - méfiance - et laissent le spectateur, bouleversé, sonné, remué. Il y a des comédiens, de la vérité, des planches et du feu, dessous : C’est du théâtre. |