La tournée d'Alexis HK passait près d'une semaine en Bretagne. L'occasion était trop belle pour rencontrer cet artiste atypique et du même coup vérifier si sa réputation de bête de scène était fondée.
Rien à redire, un artiste attachant et un magnifique concert…
Alexis HK, tu as sorti ton deuxième album "''homme du moment" en novembre 2004. On dit de cet album qu'il est plus personnel que ton premier, "Belle ville" sorti en 2002 ?
Alexis HK : Effectivement, c'est moins narratif. En même temps, il y a toujours des tartes à la crème, des choses un peu saugrenues. Sous des apparences de gravité, il y a toujours de la loufoquerie. Mais c'est vrai qu'il est un peu plus grave. Je n'avais pas envie du même ton, trop ludique et coloré de "Belle ville", que je trouvais bien au moment où il a été fait puisque c'était l'humeur du moment. Pour "L'homme du moment", c'est vrai qu'il y avait deux trois remises en question, deux trois choses à dire, à exprimer. Comme j'avais la possibilité de le faire, je l'ai fait.
Cet album a été composé en grande partie sur la route, ce qui t'a permis de roder quelques morceaux sur scène. C'est important pour toi d'avoir cette étape avant de passer en studio ?
Alexis HK : Moi, je fais ce métier avant tout pour faire de la scène. La seule garantie, la seule assurance-vie qu'on ait dans ce métier, c'est d'avoir ce rapport avec un public. C'est donc intéressant de tester des nouvelles chansons, ça permet à la fois de savoir si elles sont bien ou s'il faut les retravailler, ce qu'il faut faire généralement… Ca permet aussi d'offrir aux personnes qui vous font l'honneur de venir vous voir, des titres "bonus". Donc c'est à double sens, un peu à l'ancienne. On faisait beaucoup cela à l'école du music-hall, on testait toujours sur scène avant de s'enfermer en studio comme des taupes pendant des semaines. Moi, j'ai besoin de ce contact avec le public, d'avoir des avis. Je n'hésite pas à extérioriser ce que je fais à partir du moment où j'estime que c'est suffisamment prêt pour le faire.
C'est délicat du coup pour toi de rentrer en studio ?
Alexis HK : Le studio, je trouve cela merveilleux, mais pour l'instant je ne le maîtrise absolument pas. Je trouve cela extrêmement difficile, très tendu. Tout le monde est tendu en studio. Pour bien jouer, il faut être un requin de studio. Donc c'est un vrai travail, ça se maîtrise. Il y a des gens qui savent le faire, dont c'est le métier. Moi, je propose des idées à un réalisateur, à un directeur artistique qui m'aident à les mettre en forme, sinon je serais complètement perdu. Pour faire un disque, il faut beaucoup travailler sur des points de détails d'arrangements sur lesquels on se remet souvent en doute. On réécoute plein de fois, des fois on trouve ça génial, des fois on trouve ça pourri.
Un travail de studio est aussi un travail qui ne peut générer aucune réaction. Je trouve cela difficile, mais en même temps plus j'avance, plus ça m'intéresse et plus j'ai envie de progresser. Je pense que j'ai mes armes à faire dans cette matière. Je ne suis pas encore armé en la matière et c'est plus douloureux. C'est moins ludique que d'avoir des gens devant vous qui vous font tout de suite sentir si ça va ou pas, qui tout de suite sont là pour réagir, sourire ou pas.
Du coup, la présence de tes musiciens est sécurisante pour toi ?
Alexis HK : J'aime bien travailler avec ces musiciens car on se connaît bien. Y'a une vie de groupe, on tourne ensemble et moi je fonctionne beaucoup à l'accroche, à l'humanité des choses. Je fais mes expériences de musicien avec eux. Après effectivement, je propose les chansons et eux avec leurs outils proposent des climats Je leur donne en avance avec des orientations.
La couleur irlandaise de l'album vient d'eux ?
Alexis HK : En fait, il y a deux frères bretons, Markus et Grégoire Riou. Effectivement, ils ont été recrutés pour cette couleur musicale car je trouvais que ça pouvait coller à l'ambiance de mes chansons. En plus d'être de très bons musiciens traditionnels, ils sont très ouverts et sont capables de groover aussi quand il le faut.
Tes influences musicales sont très variées. Elles vont de Brel, Brassens à MC Solar, notamment la chanson "Nouveau western" que tu reprends en concert.
Alexis HK : MC Solar, j'aime beaucoup, c'est un véritable auteur. La chanson "Nouveau western", je la trouve fantastique. Elle est encore plus actuelle aujourd'hui que quand elle a été écrite. Et puis il y'a la musique de Gainsbourg derrière, c'est d'une efficacité monstrueuse… Donc oui, mon ouverture est assez large et le devient de plus en plus au fil de mon parcours.
Il y a aussi ce clin d'œil à Brassens sur ton album « L'homme du moment » avec la reprise du morceau "Dieu Pan".
Alexis HK : Brassens, c'est encore autre chose, c'est mon enfance. Brassens, il fait partie de ces auteurs qui m'ont fait connaître l'importance d'une belle écriture, la beauté poétique des choses. En même temps, il a ce côté timide et renfermé de quelqu'un qui s'est retrouvé dans la lumière alors que c'était un homme de l'ombre. Moi, j'aime bien les chanteurs timides, ils m'intéressent beaucoup, pas plus que les gros showmen, mais j'aime bien les gens qui se sont retrouvés sur le devant de la scène alors qu'ils étaient timides. Je trouve qu'ils se dépassent vraiment.
Brassens qui montait sur scène, c'était un dépassement, un défi. Il attendait qu'une seule chose, que la chanson se termine. Donc que ce soit à cause d'une belle écriture ou d'une mélodie fantastique ou à cause d'une personnalité à la fois rassurante et timide, avec en plus le fait qu'il appartienne à mon enfance, il y a tout pour dire dans un album, je t'aime et t'aimerait toujours. J'espère bien te retrouver au paradis, mais comme t'es le premier à avoir dit qu'il y en avait pas, peut-être qu'on se retrouvera jamais. C'est pas grave mais en tout cas merci d'avoir été là. Merci d'être passé dans ma vie, ça c'est sûr.
Ca fait déjà un bout de temps que tu tournes, tu te positionnes comment vis-à-vis de tout ce bruit autour de la nouvelle chanson française ?
Alexis HK : Je ne pense pas qu'on se positionne par rapport à une scène ou une autre. Je pense qu'à partir du moment où on propose une musique on est positionné dans telle ou telle mouvance. Moi, je ne rougis absolument pas d'être assimilé à cette scène. Je ne m'attendais pas du tout à être classé à côté de Jimi Hendrix, donc je n'ai aucun problème par rapport à ça. Mais, ce n'est pas sans lien avec Brassens.
Cette scène, elle émane directement de Georges Brassens, de Jacques Brel et de Léo Ferré. C'est une génération décomplexée par cette vieille génération sauf qu'il faut remettre les choses à leur place. Pour l'instant aucun d'entre eux n'arrive à la cheville, pas même moi bien entendu, de Jacques Brel ou Brassens.
Tu es peut-être moins médiatisé que certains de tes collègues mais le bouche à oreille fonctionne très bien, notamment par rapport au concert.
Alexis HK : C'est vrai. Avec mes musiciens, on aime bien se dire qu'on fait un travail d'agriculteur. On laboure le terrain, on creuse le sillon et on sait que la reconnaissance, je ne parle pas de renommée, se fait en allant vers le public et en ayant envie de partager avec lui. C'est une certaine approche des choses. Y'a tout l'aspect parisien de la musique où on fait du buzz avec les médias, on fait un maximum de promo pour se faire connaître, des unes de magazines…
Et puis, il y a cette facette là, celle de la scène, du live et qui permet à ceux qui n'ont pas eu encore cette ouverture miraculeuse, d'être médiatisés, d'être reconnus. La scène, c'est pas un coup de bol, si ça ne marche, c'est qu'il y a un truc à faire… Avec mon équipe, on est plutôt dans la deuxième école, même si effectivement il y a des médias qui m'ont ouvert la porte, des gens fantastiques. C'est vrai qu'à l'époque où ça n'existait pas du tout, un mec de Libé a tout de suite fait une page complète.
Ca, c'est un coup de pouce, c'est important. Il ne faut jamais renier les médias mais je pense qu'il ne faut pas trop s'y fier non plus. Les artistes qui sont trop hommes d'affaires et qui ne parlent que de ventes d'albums à longueur de journée, ont plutôt intérêt à se soucier des chansons qu'ils vont écrire.
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