Tragédie de Racine mise en scène de Maxim Prévot, avec Damien Burle, Julien Dervaux, Ophélie Lehmann et Pauline Rémond.
Il n’est jamais évident pour une jeune compagnie de s’attaquer à Racine et notamment à "Bérénice" qui raconte l’amour contrarié de Titus, empereur de Rome et de Bérénice, reine de Palestine.
Pour la Compagnie Les Rivages et son metteur en scène Maxim Prévot, Le parti pris a été tout d’abord de supprimer le personnage d’Antiochus avec une double finalité : raccourcir la pièce et mettre le focus sur la relation Titus-Bérénice, entourés de leurs confidents respectifs (Phénice et Paulin).
Et l’on peut dire tout de suite qu’il s’agit d’une splendide réussite, une version de la tragédie aussi puissante que déchirante, bref du premier gros coup de cœur de ce Off 2016.
Dans un décor épuré au possible, les quatre comédiens (formés pour la plupart comme le metteur en scène au Laboratoire de Formation au Théâtre Physique) portent à incandescence ce récit et le rendent passionnant grâce à une interprétation totalement habitée de bout en bout ainsi qu’à une concentration exemplaire.
L’intemporalité et le mélange des influences du stylisme donnent une singularité intéressante. De plus, la beauté des éclairages et du montage sonore confère à l’ensemble une intimité propice aux confidences et aux explications.
La mise en scène de Maxim Prévot utilise au mieux le plateau, le jeune metteur en scène guidant au cordeau ses comédiens qui, dans un jeu physique et intense, livrent avec une belle retenue toute la quintessence de la pièce.
Avec ce travail magistral aux images splendides, Maxim Prévot montre d’indéniables qualités et prouve qu’il faudra compter avec lui. Les alexandrins sont impeccablement dits et Racine résonne avec passion, sensualité et force.
L’impressionnante Ophélie Lehmann est une reine aussi fougueuse que majestueuse. La comédienne, déployant avec une diction parfaite toutes les nuances possibles, est une inoubliable Bérénice qui laisse le spectateur abasourdi par tant de présence. Un vrai diamant brut.
Face à elle, Julien Dervaux endosse la toge et prend à bras le corps les affres de Titus déchiré. Il est tout aussi époustouflant de force et de fragilité mêlées. Le duo est soutenu par Pauline Rémond et Damien Burle dont l’attention et l’écoute bienveillante ne faiblissent pas, donnant vie et densité à l’intrigue.
La force du drame de ce couple empêché de vivre son amour (car "il ne s’agit plus de vivre, il faut régner" dit Titus) nous touche avec fulgurance et résonne d’une façon on ne peut plus actuelle.
Ne ratez donc pas ce flamboyant travail. La relève est là et c’est une très bonne nouvelle ! |