En ce jeudi, Fnac Live fête le vingtième anniversaire du label Tôt ou Tard. Label de Vincent Delerm, Lhasa, Thomas Fersen, Cats on Trees, Les Têtes Raides, Luce, Matthieu Boogaerts ou encore Shaka Ponk, cette structure semble avoir des objectifs de diversification et de changements stratégiques en ligne de mire. Mais en ce jeudi, ce sont les artistes qui sont à l'honneur sur la grande scène devant la Mairie de Paris et dans les salons de l'Hôtel de Ville.
Premier en scène, Nicolas Michaux que j'avais vu au Point Éphémère quelques mois auparavant. J'étais alors sorti de son concert passablement énervé par ses chansons dans la langue de Shakespeare. Je n'ai rien contre les belges qui chantent en anglais, la preuve, j'attends Balthazar avec impatience ce samedi. Mais encore faut-il que les paroles dépassent le "Baby, I love you. I love you, Baby", sinon on est déçu lorsque, en chanson suivante, le chanteur n'interprète pas des tubes potentiels qui pourraient s’intituler "Brian is in the kitchen" voire "This is a chair, isn't it?". En plus, l'accent francophone de Nicolas Michaux était loin d'être charmant, comme c'est le cas chez Popincourt ou Les Calamités par exemple. Au Fnac Live, je peux garder mon calme, Nicolas Michaux concentre son set sur des chansons en français, quoique ses paroles soient à peu près aussi insipides en français qu'en anglais. Il débute son set avec "À la vie à la mort" puis continue avec le slow-braguette "Si tu me laisses". Les envolées guitareuses pseudo seventies, pseudo rock, ne parviennent pas à masquer l'inanité du propos. Je prends mon courage à deux mains. Mais finalement je renonce bien vite et fuis avant la fin de la demi-heure de set.
Le groupe israélien A-WA est formé de trois sœurs d'origine yéménite. Les chants folkloriques interprétées dans le dialecte arabe-yéménite, sont revus de manière contemporaine et électro. On pense à Natacha Atlas ou à Rachid Taha dans les années 90 en version plus sucrée. Leur premier disque est produit par Tomer Yosef des Balkan Beat Box. Sur scène, elles sont entourées de musiciens qui semblent échappés d'un groupe de métal des années 70. L'apport de la guitare-clavier pour l'habillage joyeusement kitsch des mélodies est énorme. Quant aux poses de guitar-hero de leur claviériste, elles apportent une bonne humeur, peut-être un peu involontaire, à l'ensemble. Mais surtout c'est gai, bourré d'énergie. Sur le parvis de l'Hôtel de Ville, qui s'est rempli moins vite que la veille, la foule lève les bras et tape dans les mains. Au regard de l'accueil reçu par le public, leur chanson "Habib Galbi" pourrait bien devenir un hit surprise de l'été.
Le trio Odezenne, devenu quatre sur scène, a beau avoir déjà rempli un Olympia, c'est pour moi une découverte. Entre beats rock, phrasé rap et textes crus, les bordelais s'affichent devant un mur de matos de studio dont on se pose la question de l'utilité. A quatre, ils sont moins efficaces que Jain la veille, qui elle n'avait qu'un mac et une clé USB. Le bling-bling d'Odezenne passe par cet exhibition de matos, bien plus que par leurs fringues dont on ne voudrait même pas pour aller biner au fond du jardin. Sérieusement, quand un groupe exige une validation préalable des photos avant diffusion, on aimerait que ses membres fassent l'effort de ne pas être sapés comme des "people of Walmart".
Au niveau des paroles et au regard des thèmes abordés, on a envie de les envoyer prendre des cours d'écriture chez Klub des Loosers. Musicalement, les bordelais parviennent à faire réagir vingt personnes sur la place de l'Hôtel de Ville, le reste de la foule semble simplement attendre que ça se passe. Je rejoins l'immense et écrasante majorité des spectateurs ; je prends mon mal en patience. Si j'étais gentil, je pourrais attribuer le gros flop réalisé par Odezenne à leur position sur la grille de programmation en milieu d'après-midi alors que l'immense majorité du public semble s'être déplacé pour voir Vianney, mais d'une part je ne suis pas gentil, et d'autre part même cet argument ne suffirait pas à expliquer cette longue parenthèse durant laquelle le public ne réagissait pas.
La scie musicale "Tétéoupala", et les blagues à deux balles incessantes sur les réseaux sociaux à partir du titre de ce single donnaient plus envie d’attraper une otite que d'aller écouter l'album de Vianney. De plus, les couleurs pastels de la pochette et sa petite virgule de cheveux sur la tempe gauche l'ont tout de suite placé dans le top des chanteurs tête-à-claque de l'année dernière aux côtés de Maître Gims, Louane et Christophe Maé (qui aura toujours une place dans ce top). Bref, ce n'était pas de gaieté de cœur que j'allais assister au concert du jeune homme à l'image de gendre idéal.
Et là, surprise ! Le type est seul en scène avec ses deux guitares et ses pédales pour faire des boucles. Pas rasé, coiffé normalement, il bouge énormément sur scène. Lorsqu'il engage le dialogue avec le public, c'est de manière simple et sympathique. Il fait le boulot, et il le fait bien. Chanteur de variété dans le style de De Palmas et entertainer, Vianney assure. Même si musicalement, ça me laisse indifférent, mes a priori tombent d'un coup. Sa reprise de "Je ne suis pas un héros" de Balavoine est l'occasion pour le public de chanter et de communier avec l'artiste. Sans surprise, il termine avec "T'étais où ? Pas là." qui rencontre un succès énorme. Enfin, un auteur qui utilise le terme "souillon" dans une de ses chansons, "Les gens sont méchants", mérite le respect.
Yaël Naïm a été consacrée par deux fois artiste féminine de l'année aux Victoires de la Musique. C'est avec sa chanson "New Soul" associée à une pub d'Apple qu'elle est parvenue à conquérir le grand public. Son dernier album, Older, est résolument optimiste.
Après trois chansons assise derrière le piano, elle vient en avant de scène. Entourée de quatre musiciennes / choristes, dont Nathalie Réaux de Pagan Poetry, d'un guitariste et d'un batteur, elle enchaîne nouvelles chansons et tubes. "Coward" accompagnée de ses seules choristes féminines est une pure merveille. Sa voix est puissante. Tout est harmonieux, sophistiqué sans être prétentieux. Triomphe mérité pour Yael Naïm.
Le jeune artiste angevin Thylacine a composé son album à bord du Transsibérien. C'est donc un voyage musical qui vont vivre les spectateurs du Fnac Live. Derrière ses machines, il prend un saxophone pour le morceau d'ouverture. Puis il tape comme un damné sur une batterie électronique en même temps qu'il mixe. Les grosses basses soulèvent la foule. Le parvis de l'Hôtel de Ville est devenu un immense dancefloor. Loin de l'image de DJ pousse-bouton escroc d'un Getta ou de The Avener, Thylacine mouille la chemise. Cette expérience entre nappes électroniques et superposition des rythmes fait souffler un vent de liberté devant la Mairie de Paris.
Joyeux anniversaire, Tôt ou Tard ! |