En l'espace de 25 ans, les Vieilles Charrues sont passées d'une kermesse locale à l'un des plus gros festivals français voire européens. Pas moins de 278.000 spectateurs ont fait le déplacement dans le "Kreiz Breizh" (centre Bretagne) sous un soleil et une chaleur inabituels sous nos latitudes bretonnes (on a souvent flirté avec les 30 degrés sur le site pendant les quatre jours). A l'occasion de ces 25 ans quelques surprises étaient au rendez-vous : un feu d'artifice le soir du 14 juillet et un site joliment mis en lumière pour l'occasion.
Vendredi 15 juillet
Pour cette première journée sur site (le festival a commencé jeudi), démarrage en douceur avec les Tindersticks. Comme souvent avec les Britanniques, le concert est de haute volée et la voix de Stuart Staples toujours aussi envoûtante. Un regret peut-être : la mélancolie douceâtre et enfumée du combo auraient peut-être eu une autre saveur dans le soir tombant. Arrivé un peu trop tard pour Michel Polnareff, j'anticipe mon placement pour le concert des Pixies. Au loin, l'électro de Parov Stelar se fait entendre de la scène Kerouac. Même s'il ne propose rien de bien novateur (on pense un peu trop souvent à Caravan Palace), le DJ autrichien fait remuer les popotins des festivaliers.
Le jeudi soir, les francophiles nostalgiques ont goûté aux madeleines de Proust servies par Les Insus. Ce soir, les indie kids nostalgiques des années 90 sont à la fête. Même si les occasions de voir les Pixies depuis leur reformation en 2004 ont été nombreuses et malgré le départ de la bassiste historique Kim Deal, on ne boude jamais notre plaisir de ré-écouter la bande-son de nos années lycée / fac. Ils font le boulot, sans excès… Pas un mot sur les 2 heures de set mais un enchaînement des "tubes" des vétérans de la scène alternative américaine. C'est parfaitement huilé et maîtrisé. L'enthousiasme retombe lorsque l'on ne reconnaît pas les premières notes d'un morceau… qui figurera probablement sur la prochain album de Black Francis et sa bande, mais le groupe nous a proposé un excellent "best of" de son catalogue.
L'enchaînement avec Pharell Williams est un peu rude. Ceux qui attendait uniquement du tubes sont vites déçus. Au final l'Américain expédie un set un peu fade et sans saveur qui aura surtout ravi les fans inconditionnels du bonhomme.
Samedi 16 juillet
Toujours ce soleil insolent et cette chaleur étouffante. La dernière fois qu'Ibrahim Maalouf est venu à Carhaix, il pleuvait. 5 ans plus tard et sur la grande scène Glenmor, il électrise la foule de Kerempuilh. Sympathique, à l'aise, il fait participer le public, fait participer les musiciens locaux. Que l'on aime ou non, Ibrahim Maalouf impose le respect par sa volonté de transmettre son art et la musique d'une manière plus générale.
Difficile de résister à la "radio nostalgie" proposée par Alain Souchon et Laurent Voulzy. Les vieux compères, affables, déroulent leur tubes respectifs pour le plus garnd bonheur de la plaine de Kerempuilh qui est noire de monde.
Le directeur général du festival, Jérome Tréhorel, est un fan de Suede de longue date, depuis le lycée en fait. L'occasion était donc trop belle, pour les 25 ans du festival et avec un nouvel album de Brett et sa bande, de venir faire jouer ses vieilles idoles Britpop à Carhaix. On attend donc, un peu fébrile et nostalgique ce set des Londoniens. Comme souvent, Suede ne déçoit pas et enquille une heure et demie du tubes qui nous rappellent le meilleur des années 90, les couvertures du NME et les grandes heures de la pop anglaise. Brett Anderson irradie, totalement dédié à sa musique pendant une heure et demie. On chante à tue-tête avec lui sur "Trash", "Animal Nitrate" ainsi que les autres classiques du groupe.
Quelques minutes après qu'ait résonné "All You Need Is Love" des Beatles, les Libertines investissent Glenmor. Pete Doherty a l'air en forme (il aurait arrêté de boire), il semble aminci et se frotte le museau avec Carl Barât sur quasiment chaque morceau. Un vent punk britannique déferle and Kerempuilh is dreaming…
La nostalgie ayant ses limites, on abdique en plein milieu du set de Louise Attaque, qui certes, a la patate. Mais bon…
Dimanche 17 juillet
Toujours ce cagnard inhabituel. L'organisme souffre. Les deux litres d'eau minérale n'y font rien. On n'est pas les seuls. Les quelques rares oasis de fraîcheur disponibles sur le site sont prises d'assaut par les festivaliers. Au loin des accords de blues rock familiers résonnent de la scène Kerouac. La voix aussi, nous semble familière : on dirait Dylan, mais non, il s'agit du jeune anglais Jake Bugg. Malgré son physique d'adolescent poppeux anglais, Wayfarer vissées sur le nez, le natif de Nottingham évoque immanquablement son illustre aîné américain. Idéal pour bien commencer cette dernière journée à Carhaix en douceur.
Si le soleil atteint son zénith, musicalement de lourds nuages menacent : Louane s'apprête à monter sur scène. Je vous vois venir : cible un peu facile. Si au demeurant cette charmante jeune fille semble inoffensive et bien sympathique, il ne faut pas oublier qu'elle sort des disques et qu'elle fait des films. Sa prestation aurait pu (dû ?) rester purement anecdotique mais la demoiselle a commis l'irréparable : une reprise approximative du "Boys And Girls" de Blur. L'intention est certes louable, mais il y a des monuments auxquels il ne faut pas toucher…
La suite ne s'annonce guère encourageante : Nekfeu, le rappeur tendance des ados de classe moyenne en manque de street-cred s'apprête à investir la scène Kerouac… Un petit regret de devoir rentrer et de ne pas voir Lana del Rey ou les excellents Editors mais c'est ainsi, l'heure est venue de rentrer... Sur le chemin du retour, je repense aux excellents moments passés à ce festival. Finalement, ce qui fait son charme mais aussi débat, c'est son éclectisme, ses grands écarts artistiques, son brassage générationnel. Tout ce qui fait que j'ai déjà hâte à la prochaine édition.
Kenavo Karaez !
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