Comédie de Eugène Ionesco, mise en scène de Judith Andrès, avec Judith Andrès, Arthur Cordier, Sara Lo Voi, Luca Teodori, Sophie Braem Vasco et Florian Vaz.
Est-ce que "La cantatrice chauve" peut sortir du Théâtre de la Huchette ? Est-ce que, même s'il est au programme des lycéens avec "Rhinocéros", Ionesco conserve son potentiel d'humour et d'absurde ?
On sait, hélas par réputation, que Jean-Luc Lagarce avait répondu avec brio à ses deux questions liminaires, il y a presque déjà deux décennies.
La proposition de Judith Andrès et de sa troupe de la Compagnie Ubu Pop Corp tient résolument, à son tour, à affirmer que "La cantatrice chauve" peut bien occuper une scène théâtrale et qu'elle peut toujours faire rire.
Pour cela, Judith Andrès, tout en respectant le texte dans ses grandes lignes, a décidé de lui enlever - tant faire se peut - ses références britanniques pour le moins datées. Dès lors, plus question d'un vrai décor "british" et de costumes à l'avenant. Des chaises sur une scène vide donc, et des personnages en noir, le visage légèrement fariné de blanc rehaussé de noir et de rouge.
Autre différence, peut-être plus marquante avec la mise en scène originelle de Nicolas Bataille : la gestuelle est ici plus importante que le verbe. Si l'on rabâche quelque chose, ce sont des manières de se saluer ou d'opiner.
Les puristes regretteront sans doute que le texte paraisse parfois un prétexte et qu'il ne soit que secondaire pour ces "marionnettes" humaines engagées dans des rituels redondants et fortement absurdes.
*Mais, objectivement, il faut dire que le temps a passé depuis plus ce large demi-siècle où "La cantatrice chauve" avait une réputation de modernité. Malheureusement pour elle, la pièce, et lui, l'auteur, il ne faudra attendre que quelques années pour qu' "En attendant Godot" et Beckett distillent un absurde tragique et bien plus pimenté que les sympathiques exercices de style d'Eugène Ionesco.
Reste, désormais, dans la mémoire, le bon esprit du créateur de ce succès que l'on retrouvera sur la scène très bavarde du Théâtre de Belleville.
Sous la houlette de Judith Andrès, "La cantatrice chauve" est un spectacle plaisant et rarement ennuyeux. Grâce à l'entrain clownesque que les quatre convives, plus la bonne et, évidemment, le capitaine des pompiers, mettent en œuvre, elle a su éviter tous les écueils, notamment celui de ne pas faire rire avec des sketchs qui en ont inspiré tant d'autres qu'ils paraissent parfois usés jusqu’à la corde. |