"I keep a close watch on this heart of mine,I keep my eyes wide open all the time,I keep the ends out for the tie that binds, Because you’re mine, I walk the line"
"Les pieds dans la glace, la tête au vent. Je n’ai pas froid. Non, je brûle dedans."
Le disque ne tourne pas depuis une minute que musique et paroles nous étreignent déjà le cœur. Le retour de Silvain Vanot est beau, superbe même. Mais comment parler de retour alors que sa musique semble si souvent nous accompagner !
Depuis 1993, le Rouennais a publié 8 albums avec cet Ithaque : Silvain Vanot en 1993, Sur des arbres en 1995, éGérie en 1997, (En attendant) Tout brille en 1999, Il fait soleil en 2002, Bethesda en 2009 et Old folks / Nu Folk en 2011. A cela s’ajoutent de nombreuses musiques de film comme par exemple : La Fabrique des Sentiments de Jean-Marc Moutout en 2008, Le Temps des amoureuses en 2009, No Pasaran, album souvenir en 2003, André Robillard, en chemin en 2014 d’Henri-François Imbert, Violence des échanges en milieu tempéré de Jean-Marc Moutout en 2004.
Mais cet homme de musique, également musicologue, de voyages est aussi homme de lettres, autant érudit du rock et musicien que passionné des mots. Et s'il faut absolument plonger dans sa musique, se passer de ses livres sur Bob Dylan (Bob Dylan, Librio 2001) ou Johnny Cash (Johnny Cash I Walk The Line, Editions Le mot et le reste 2016) est indéniablement regrettable. Entre les écrits et la musique, on retrouve ce même style qui ne triche pas, à la fois dépouillé mais précis et développé, quelques accords sur des mots justes.
Et puis il y a cette voix touchante qui rappelle parfois Neil Young, ce timbre fragile, qui plane au-dessus de ces chansons intimes, si calmes, parfois mélancoliques, si terribles parfois, ironiques aussi - la chanson sur les accords de neuvième. "Quand de deux maux, je prends le moindre, faute de choix, je lis sur ton dos qui se voûte, mais je ne t’entends pas". Mon dieu que ce disque est beau oui. Loin de cette pop Française dont il faisait partie et qui a terminé par tourner en boucle entre autosatisfaction et caricature… Intense sans en rajouter ("De faute", "Ma Siamoise", "Vanneau", "Ithaque", "Le nom d’un autre") mais sans se donner facilement, une fausse économie de moyens peut dérouter, et évitant toute simplicité. Effectivement, "pourquoi séduire dès le premier accord ?".
Et puis quel plaisir de se plonger autant dans le livret que dans la musique. Cela rappelle un autre musicien, son coreligionnaire chez 03H50 : Orso Jesenska. "C’est à croire que nous étions fous, fous à lier l’un à l’autre. Là, déliés, à qui la faute ? De faute, il n’y en a pas, pas plus que de mauvais choix. Juste le temps et son dû. Et nous deux, un peu perdus".
Avec cette magnifique aspiration pour les mots et la musique, cette compliquée poésie des lettres et des notes, cette concentration des espoirs et des failles de notre monde contemporain, Silvain Vanot c’est un peu notre Amérique à nous...
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