Comédie dramatique d'après le roman éponyme de Roberto Bolaño, mise en scène de Julien Gosselin, avec Rémi Alexandre, Guillaume Bachelé, Adama Diop, Joseph Drouet, Denis Eyriey, Antoine Ferron, Noémie Gantier, Carine Goron, Alexandre Lecroc-Lecerf, Frédéric Leidgens, Caroline Mounier, Victoria Quesnel et Tiphaine Raffier.
Après les quatre heures que duraient "Les particules élémentaires", le metteur en scène Julien Gosselin pousuit avec "2666" sa course au claudélien spectacle-marathon à la tête de laquelle caracole le "Henri VI" de Thomas Jolly.
Soit près de 8 heures de représentation en cinq parties distinctes pour son adaptation d'un roman-fleuve éponyme du chilien Roberto Bolaño, considéré notamment par ses homologues latino-américains comme le plus important de sa génération, autour de l'exploration du Mal au 20ème siècle.
Sur celle-ci, seuls les spectateurs, vraisemblablement minoritaires, qui auront lu l'oeuvre originale pourront en apprécier la nature et la pertinence. Les autres jugeront "sur pièce" et donc sur une partition composée de cinq parties articulées autour d'une enquête menée pour découvrir l'identité mystérieuse d'un romancier allemand au nom improbable, Benno von Archimboldi, personnage de pure fiction, et la vraie ville mexicaine de Ciudad Juarez, la capitale mondiale du meurtre de femmes violées et torturées.
Et se révèle une parenté évidenté avec le travail d'autres metteurs en scène, qui rencontrent un vif succès tant critique que public, sur le théâtre-récit d'après un roman-monstre, tel Jean Bellorini ("Tempête sous un crâne" d'après "Les Misérables"), la déclinaison de la cybernétique barthésienne pratiquée par Alexis Michalik avec l'emboitement d'intrigues mêlant fiction et réalité ("Le Porteur d'histoires") et le procédé du "macguffin" hitchcockien décliné par Frédéric Sonntag dans des partitions de docu-fiction politqiue telles "George Kaplan" et "Benjamin Walter".
Désormais inclus dans le peloton des jeunes acteurs des "nouvelles écritures scéniques", Julien Gosselin, qui considère le travail d'adaptation comme "une sorte de seconde écriture", déclare s'inscrire dans la catégorie des metteurs en scène qui ne se contentent "d'imprimer leur marque sur un texte dramatique" mais ont "une approche totale" et "se veulent d'emblée créateurs à tous les niveaux".
Mais "2666" ne démontre pas ce génie créatif universel tant le texte est calqué sur la forme littéraire narrative avec des récits interminables à la façon de ceux des romanciers du 19ème siècle rémunérés à la page, dans laquelle sont instillés quelques dialogues et des soliloques profératoires, qui n'a pas la qualité dramaturgique de ceux élaborés par les metteurs en scène précités.
Par ailleurs, en la forme, non seulement il savère dépourvu de toute innovation, et, pis encore, patit une impression permanente de "déjà vu". Car tant la scénographie conçue par Hubert Colas, certes techniquement bien réalisée et exécutée, que les choix scéniques résultent d'un travail d'assemblage.
Emprunts, voire même recyclage pour symboliser l'Holocauste et les chambres à gaz avec le caisson empli de fumée créé pour "Nécessaire et Urgent", avec notamment, et entre autres, les algeco vitrés de Krzysztof Warlikowski, les corps en transparence de Romeo Castellucci, les personnages-ombres de Joël Pommerat, les tubes de néon blancs à la Dan Flavi, l'usage intensif de la vidéo, non la caméra "crade" de Frank Castorf mais celle policée de Ivo van Hove bien tenue par Jérémie Bernaert et Pierre Martin avec un parti-pris old school du noir et blanc expressionniste.
De plus, les deux musiciens Rémi Alexandre et Guillaume Bachelé sont de toutes les scènes avec leur intervention live pour délivrer un habillage sonore invasif, parfois à la limite de la tolérance auditive, sous forme de bruistime electro à la Scott Gibbons ponctué de rock progressif à la Mogwaï, de boucles pseudo-glassiennes et un étonnant néo-indus berlinois qui rythme une discothèque mexicaine.
Cela étant, les comédiens équipés hf dispensent haut et clair leurs répliques et tiennent la distance. Tout commence avec des universitaires arty qui se rencontrent dans des congrés internationaux consacrés à la littérature allemande, se découvrent une passion commune pour cet écrivain prolifique mais fort discret et des affinités qui ne sont pas qu'intellectuelles et partent sur les traces de ce dernier. Dénouement quelques heures plus tard...
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