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Ivan Jablonka  (Editions du Seuil)  août 2016

Véritable tour de force littéraire (et aussi coup de cœur) que ce Laëtitia (ou la fin des hommes) de l’historien Ivan Jablonka ; passionnant, mais aussi bouleversant, ce livre est basé sur un épouvantable fait divers survenu en 2011 dans l’Ouest de la France.

Mais qui est cette Laëtitia ? Quel est ce fait divers qui peut intéresser un historien au point d’en faire un livre ?

Laëtitia c’est d’abord une affaire, un terrible fait divers qui va tenir en haleine la France pendant plus d’un mois de sa disparition au mois de janvier 2011 à la recherche de son corps une fois le meurtrier arrêté (ce dernier nargue les enquêteurs en disant qu’ils ne le trouveront pas) jusqu’à la découverte de son corps démembré quelques semaines plus tard.

Laëtitia c’est aussi une victime, parmi d’autres, d’un délinquant mais aussi d’un président de l’époque, Sarkozy, n’hésitant pas à se servir de son cadavre pour s’immiscer dans la sphère judiciaire française (moi qui pensais que la justice était indépendante !). L’affaire fut à l’origine d’un mouvement de grèves et de contestations de la part de la magistrature (près de 800 magistrats dans la rue quand même) qui n’acceptait pas les remarques véhémentes et les reproches formulés par le chef de l’Etat à son égard dans un contexte de restrictions budgétaires de l’appareil judiciaire français. Ben oui, pourquoi ces salauds de juge ont-ils laissé sortir ce criminel récidiviste se demandait à l’époque Sarkozy ?

Le nom de la victime, Laëtitia Perrais, fut alors très vite connu des français pour ce crime odieux repris en boucle (avec la délicatesse que l’on connait) par les chaînes d’infos continus et par nos chers hommes politiques de gauche comme de droite. Ivan Jablonka, face à cette puanteur nauséabonde médiatique qui dépossédait la jeune fille de son histoire, a voulu, dans cet ouvrage, lui rendre hommage (avec l’accord de sa sœur jumelle) à travers ce qu’elle était réellement : une jeune fille de dix-huit ans insouciante, un peu paumé, cabossée par son enfance, avec des envies, des passions, des désirs et des peurs ; une jeune femme au parcours personnel difficile qui pourrait expliquer en partie sa fin brutale.

Ivan Jablonka a donc voulu étudier le fait divers comme un fait social, un objet d’histoire. Pendant deux ans, il a mené son enquête, rencontré les proches, sa sœur, l’avocate de sa sœur, sa famille d’accueil, les différents acteurs de l’affaire et a assisté au procès de son meurtrier, le sordide Tony Meilhon, qui n’hésita pas en plein procès à entonner une chanson sur sa pauvre victime.

Tout est analysé par Jablonka dans ce livre avec comme fil conducteur les derniers jours de la victime et la recherche de son corps. Le livre s’attarde sur les aspects psychologiques du tueur, que Jablonka nous présente à travers son passé, son enfance mais aussi ses nombreux séjours en prison. Jablonka insiste aussi sur l’aspect psychologique de la victime, Laëtitia, qui souffre, comme son meurtrier, d’une enfance difficile car placée très tôt en famille d’accueil avec sa sœur jumelle. L’auteur s’intéresse aussi à l’aspect politico-médiatique de ce fait divers (c’est pour moi sûrement l’ensemble le plus intéressant du livre) avec les medias (particulièrement les chaînes d’infos) qui n’hésitent pas à "surfer" sur la mort (le glauque, l’atroce et le sang ça fait vendre) et la recherche d’un corps démembrée à coup de dépêches inutiles, ne sachant pas choisir entre le père naturel de la jeune fille et son "père" de famille d’accueil (lequel des deux faut-il interroger en priorité pour faire pleurer le plus dans les chaumières ?). Pour Sarkozy, le choix fut beaucoup plus facile car il passa son temps aux côtés du père d’accueil, Mr Patron (lequel fut invité à de nombreuses reprises à l’Elysée) pour partir en croisade main dans la main avec lui contre les délinquants sexuels.

Evidemment, pour Sarkozy, l’invisibilisation du père de Laëtitia n’est pas due au hasard. Au moment où le débat sur la récidive des délinquants sexuels était relancé tambour battant, il aurait été malheureux d’associer à la geste présidentielle un homme, le père naturel de Laëtitia, condamné aux assises pour le viol de la mère. Sarkozy avait décidé que le père d’accueil éclipserait le père naturel sauf que ce remplacement apparût très vite comme une usurpation lorsque le père d’accueil, quelques mois plus tard, fut à son tour, mis en examen pour viols sur la sœur de jumelle de Laëtitia. On comprit alors que notre président de la République avait combattu les délinquants sexuels aux côtés d’un pédophile : FABULEUX. L’axe patron-Sarkozy, pacte politico-émotionnel conclu pour la circonstance, se révéla alors un projet d’instrumentalisation mutuelle, jeu de dupes dans lequel chacun essayait de manipuler l’autre.

Aux frontières du journalisme, de l’histoire, de la littérature et de la sociologie, Ivan Jablonka livre donc un texte passionnant (le mot est faible) à la fois féministe et politique qui prend soin de rendre à la victime son statut d’être humain mais aussi de décortiquer les différents aspects de l’affaire Laëtitia Perrais : vulnérabilité infantile et féminine, rôle des médias, défaillances judiciaires par manque de moyens, importance du destin, comportement des politiques et surtout absurdité (le mot est encore faible) du discours compassionnel-sécuritaire que l’on continue encore d’entendre aujourd’hui pour d’autres faits. Chapeau bas monsieur Jablonka !

 

Jean-Louis Zuccolini         
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