Monologue dramatique d'après le journal de Jules Renard conçu et interprété par Caterine Sauval.
Dans ce spectacle-hommage à Jules Renard, il faudra attendre les toutes dernières minutes, les très émouvantes dernières minutes, pour comprendre le titre choisi par Catherine Sauval. Maîtresse incontestée de ce "Jules Renard, l'homme qui voulait être un arbre", elle a choisi les textes du père de "Poil de Carotte" extraits principalement du "Journal", des "Bucoliques" et des "Histoires Naturelles". Illustrissime avec son héros roux, qui lui ressemblait si fort, Jules Renard était considéré comme un "petit maître" de la fin du XIXe siècle. C'est justement la publication de son "Journal" qui lui assurera une vraie postérité pour autre chose que "Poil de Carotte". L'intimité qu'il expose, pleine de fulgurances qu'on répète comme autant de mots d'auteurs ou d'aphorismes, riches en moments forts où il expose sa vision plutôt pessimiste de l'humanité, montre un homme bien plus complexe que le littérateur "professionnel de la profession" qu'il paraissait être de son vivant. Ainsi Catherine Sauval s'en est emparée avec bonheur, réussissant aussi, par sa seule interprétation, à occulter une part moins glorieuse qui traverse son œuvre, comme celle de ces collègues de ces quarante premières années de la IIIème République : une franche misogynie. On ne répètera pas certains de ces "mots" pour définir le sexe dit à l'époque faible, et l'on se dit qu'il vaut donc mieux que ce soit une femme qui se fasse son porte-parole, chose qui rétrospectivement eût pu sans doute le faire évoluer sur la question du féminisme... Mais Catherine Sauval, dans son florilège, qu'elle expose avec astuce, comme ce moment où elle tire des "petits papiers" qui contiennent des "pensées" de Jules Renard, ne se contente pas d'évoquer la partie de son œuvre où ce misanthrope s'en prend aux hommes qu'il rêvait plus grands que ce qu'il a pu en voir. Elle interprète aussi beaucoup de textes où il parle de la nature, vante en panthéiste les animaux et les paysages. Parfois, dans leur pureté première, on pense que ce bourguignon d'adoption avait quelque chose d'un Japonais auteur de haïkus. Tels que Catherine Sauval les interprète, les textes sur la nature de Jules Renard font penser à Soseki, son contemporain nippon qui, à l'époque des "Histoires naturelles" écrivait "Oreilles d'herbe" et "Je suis un chat". Pareil amour des bêtes et des gens simples ne pouvait toucher que des esprits supérieurs cachés dans des corps bourrus et des âmes faussement ombrageuses. Catherine Sauval expose dans son spectacle passionnant de bout en bout le meilleur d'un homme bon. Mieux qu'un plaidoyer, "Jules Renard, l'homme qui voulait être un arbre" est une incitation faite à tous les nombreux spectateurs qui auront pris du plaisir à écouter sa prose à la lire ou à la relire. |