Réalisé par Sharon Maguire. Etats-Unis / Grande Bretagne / Irlande / France. Comédie. 2h03 (Sortie le 5 octobre 2016). Avec Renée Zellweger, Colin Firth, Patrick Dempsey, Jim Broadbent, Gemma Jones, Emma Thompson, Shirley Henderson et James Callis.
Tout est dans le titre. Bridget Jones, la plus célibataire de toutes les londoniennes (enfin, c’est ce qu’elle voudrait nous faire croire), découvre avec stupeur qu’elle est enceinte.
Petit problème : qui de ses deux amants occasionnels est donc le père ? Il y a le nouveau, l’Américain Jack, interprété par Patrick Dempsey, tout droit sorti de "Grey’s anatomy". En apparence, il serait le père parfait : attentionné, prêt à assister à un cours de yoga prénatal, mathématicien mais cool (la preuve, il conduit une moto avec un blouson en cuir usé). Et puis, il y a l’éternel Marc Darcy, incarné par un Colin Firth plus royalement anglais que jamais. Même en perruque, il reste classe et impassible. Dur choix, donc, pour la pauvre Bridget, qui se voit soudain l’objet de tous les soins, et qui doit se poser - encore une fois - cette grande question existentielle : l’homme qui nous convient est-il celui qui, en apparence, ne semble pas du tout devoir nous correspondre ? Mais depuis trois épisodes, cette question épineuse que soulevaient déjà les deux premiers films de la série nous paraissait résolue. Il n’y a que Bridget pour continuer, dix ans plus tard, à se la poser vaille que vaille. Cependant, c’est peut-être en cela qu’on retrouve le plus cette héroïne qu’on aime quand même : dans son incapacité à faire des choix, et dans sa faculté hors du commun à s’embourber (au propre comme au figuré) dans des situations plus absurdes les unes que les autres. Car pour le reste, on doit avouer qu’on se trouve à la fois en territoire familier et étranger. Familier : les préoccupations de Bridget ne changent guère, et la situation "oh-mon-dieu-deux-hommes-sublimes-m’aiment-que-faire ?" ne varie guère.
Bien sûr, le film tente d’apporter un peu de fraîcheur à cette formule un tantinet périmée. Une nouvelle amie trentenaire, journaliste assez drôle avec qui Bridget échange entre deux reportages ; un nouveau boy-friend, qui remplace Hugh Grant (ce qui donne naissance à une scène d’enterrement plutôt cocasse) ; Marc Darcy, toujours Marc Darcy.
Bridget se retrouve plongée dans un univers où la technologie a changé, où elle-même est de plus en plus dépassée. Le personnage prend de l’âge, malgré tous les efforts du film pour éviter que le temps laisse réellement sa marque sur le visage de l’actrice Renée Zellweger.
Colin Firth aussi a vieilli : les séquences des premiers films qu’on redécouvre lors d’un flash-back offrent un miroir assez cruel aux deux acteurs. Mais il est dommage que le scénario de "Bridget Jones Baby" réalisé par Sharon Maguire tire si peu parti de ce passage du temps, et des dix ans qui ont vu le couple se défaire progressivement. Là où on aurait pu s’attendre, même dans une comédie, à une nostalgie douce-amère que compenserait une expérience accrue de la part des deux personnages, on les retrouve toujours identiques à eux-mêmes, comme figés dans le temps. Enfin, pas tout à fait figés, mais ce n’est pas hélas pour le meilleur. On aimait Bridget non seulement incontinente verbale - ce qu’elle est, fort heureusement, toujours - mais aussi fumeuse, buveuse, avec ses complexes et ses kilos en trop. Mais c’est une Bridget assagie qu’on retrouve en 2016 : elle ne fume plus, elle a perdu ses rondeurs… Ce retour du personnage dans la norme est confirmé par la morale déployée tout au long du film. Au fond, Bridget Jones, en vieillissant, se range. Et l’on doit avouer que de ce renoncement, on n’en avait aucune envie. Darcy disait à Bridget qu’il l’aimait comme elle était. C’était aussi notre cas. |