Réalisé par Ludovic Boukherma, Zoran Boukherma, Marielle Gautier et Hugo P. Thomas. France. Comédie dramatique. 1h22 (Sortie le 19 octobre 2016). Avec Daniel Vannet, Noémie Lvovsky, Romain Léger, Robert Folle,, Geneviève Plet Eric Jacquet, Alexandre Jacques et Léa Viller.
Ils s'y seront mis à huit mains, donc à quatre, pour réaliser ce premier long métrage qui ne ressemble à rien, sinon à son personnage principal.
Sortis de la première promotion de l'école de la Cité de Luc Besson, les quatre mousquetaires cinéastes, un record certainement, ont réalisé l'impossible : faire un film du Nord qui ne soit ni dans les pas de "Bienvenue chez les Ch'tis" ni dans ceux des pensums philosophiques de Bruno Dumont.
Contrairement à ce dernier, c'est sans aucune radicalité voyeuriste, qu'ils ont pris pour héros une espèce de sous-prolétaire rural. Ils ne l'ont surtout pas laissé dans son jus.
Au contraire, Willy n' est pas figé dans le constat sordide qui voudrait que la nordique condition rime avec débilité, ou pire encore. Il est décrit quand il part pour une Odyssée digne de celle d'Ulysse, qui le conduira à dix kilomètres de la ferme familiale.
Pour y parvenir, et surtout s'y maintenir, il devra accomplir le défi qu'il s'est assigné, après le suicide de son frère jumeau : "A Caudebec j'irai, un appartement j'en aurai un. Un scooter, j'en aurai un. Des copains, j'en aurai. Et j'vous emmerde !"
Programme ambitieux digne des "Dix travaux d'Hercule" que celui-là !
"Willy 1er" de Ludovic et Zoran Boukherma, Marielle Gautier et Hugo P. Thomas est une œuvre qui laisse pantois. Avoir osé mettre en avant Daniel Vannet, et le faire sans qu'il ne soit en difficulté ni moqué, est déjà une belle preuve de bon esprit des quatre réalisateurs novices.
Avoir su lui adjoindre des partenaires autres que des comédiens "amateurs" ou des proches ajoute encore à leurs qualités. Ainsi, jamais Noémie Lvosky n'aura été aussi vraie que dans "Willy 1er". Son personnage d'assistance sociale est une composition puissante et touchante, tout comme celui du "copain" de Willy, interprété par Romain Léger. La séquence improbable où il se transforme en Zaz (eh oui !) est chargée d'émotion et de poésie.
Pourtant, tout avait mal commencé entre Willy et cet autre... Willy. En fait, le vrai, l'unique puisque, avant d'aller à Caudebec pour y travailler dans une "grande petite" surface, Willy s'appelait encore Michel... Deux Willy, dans un film, cela paraît beaucoup, mais finalement, cela suffit pour faire une paire d'amis.
Entre temps, Willy aura découvert l'altérité, la différence et aura appris à se méfier des faux amis, ceux qui l'auront renvoyé hors du cercle des "normaux" normés. Tout ça à dix minutes de chez lui et du drame qui l'aura poussé, à cinquante ans, à tenter la grande aventure. Et à enfourcher un scooter, par la même occasion !
Daniel Vannet est, avec Fred Dorkel, le "De Niro" des films de Jean-Charles Hue et particulièrement de "Mange tes morts", la plus belle trouvaille du cinéma français de ces dix dernières années. Jadis, il aurait été cantonné à être une "gueule" récurrente dans le barnum Mocky. Aujourd'hui, grâce à "Willy 1er" de Ludovic et Zoran Boukherma, Marielle Gautier et Hugo P. Thomas, il éclate à l'écran et l'on espère qu'il trouvera d'autres chaussures cinématographiques à son pied pas facile à chausser.
Pour l'heure, on ne l'oubliera pas les mains rivés au guidon de son scooter, traversant des paysages "rurbanisés" qui font du Nord quelque chose de si proche de la Roumanie qu'on comprend mieux pourquoi il y a des migrants coincés à quelques kilomètres de là. On ne l'oubliera pas et l'on espère, pourquoi pas, que le César de la révélation masculine lui échoira, tout comme celui du premier film à "Willy 1er".
Si cela n'était pas, cela ne serait grave que pour ceux qui, du coup, ignoreront que le jeune cinéma français peut encore donner vie à des films de ce calibre. |