Monologue dramatique de Tim Crouch interprété par Marc Bertin dans une mise en scène de Jean-Marc Lanteri. C'est sous le signe du mystère, d'une atmosphère bizarre, lourde et énigmatique, que s'ouvre "Un Chêne" de Tim Crouch. Qui est cet hypnotiseur qui interpelle le public ? D'ailleurs, est-ce son public ou profite-t-il de l'assistance venue voir "Un Chêne" pour se l'accaparer, en faire "son" public ? Pourquoi ce Deus ex machina aux allures de bateleur de foire désigne-t-il un spectateur pour en faire le "deuxième acteur" de la pièce ? Quel est l'utilité de ce dispositif qui se met en place et qui va faire du second personnage - appelé "le père", mais qui peut-être une femme comme un homme - tour à tour un lecteur de textes dialogués, un répétiteur de phrases de l'hypnotiseur qui lui parviennent dans des écouteurs ? Selon les règles énoncés par l'auteur, et partiellement confirmées par l'hypnotiseur, ce comparse déterminant pour la pièce, ne devra en connaître la trame que par les éléments qu'aura bien voulu lui exposer son partenaire maître du jeu une heure avant le début de la représentation. On ne pourra qu'être intrigué par tout ce qui se dessine alors et il faudra faire preuve d'un calme à tout épreuve, d'une attention à la fois résolue et zen, pour ne pas être contaminé par ce climat délétère. Pour corser le tout et guider vers une vraie ou fausse piste, Tim Crouch a fait de l'hypnotiseur celui qui a involontairement écrasé en voiture la petite fille de celui qui incarne le "Père". Dès lors, il va falloir marcher sur des œufs, ne pas sombrer dans la morbidité pour continuer à chercher le sens de l'affrontement induit par le texte de Tim Crouch. Ne pas tomber non plus dans le jeu hypnotique, celui qui ferait opportunément disparaître la raison derrière le rêve.
Peu à peu, le texte brillamment adapté par Jean-Marc Lanteri s'enferme dans ses propres énigmes et l'on mesure le degré de perplexité du "Père", chaque jour joué par un acteur différent, qui doit s'adapter très vite en tant que pièce rapportée, à ce que lui ordonne le magicien. Enchanteur ou charlatan, celui-ci est avant-tout une voix, une conscience peut-être.
Marc Bertin réussit à donner à ce personnage une dimension équivoque que Jean-Marc Lanteri ne souhaite pourtant pas qu'il pousse à l'extrême. Car l'écriture de Tim Crouch demeure constamment dans l'ambiguité, au risque pour certains de passer totalement à côté de son charme et de sa puissance. |