Réalisé par Albert Serra. France/Espagne. Drame historique. 1h55 (Sortie le 2 novembre 2016). Avec Jean-Pierre Léaud, Patrick d'Assumçao, Marc Susini, Irène Silvagni, Bernard, Jacques Henric, Vicenç Altaió i Morral et José Wallenstein.
"Le roi est mort ! Vive le roi !" C'est évidemment ce qu'on s'attend à entendre à l'issue de l'agonie de Louis Le Grand, celui qu'on appelait le "Roi Soleil" et qui n'est, tout au long de "La Mort de Louis XIV" d'Albert Serra qu'un pauvre mourant emperruqué, dont la mort est guettée par une armada de courtisans.
Il y a cinquante ans déjà, Roberto Rossellini contait "La Prise du pouvoir par Louis XIV". On y découvrait comment le jeune roi prenait réellement les rênes du pouvoir, comment il établissait les règles et les symboles sur lesquels il allait fonder son règne sans partage.
Mais, ici, on est en 1715 et non plus en 1661. La longue dictature de Louis XIV n'est plus qu'un théâtre d'ombres, bien loin des temps glorieux de l'ère classique. Et si les dernières heures du monarque se passent à Versailles, c'est dans la pénombre de sa chambre, bien loin des fastes et de l'agitation joyeuse de la Cour.
Albert Serra filme presque en temps réel la fin de Louis XIV. Réflexion sur la vanité du pouvoir humain quand vient le temps de la souffrance finale, "La mort de Louis XIV" est d'abord l'occasion de revoir Jean-Pierre Léaud, inattendu dans le rôle-titre et composant le personnage avec une infinie simplicité.
Sous sa perruque défrisée, abandonné déjà à son pauvre sort, il parle lentement comme si chacun des mots qu'il prononçait lui causait vraiment un grand mal. Dans ce huis-clos où ses dernières forces l'abandonnent, il use encore une énième fois de son arbitraire pour faire embastiller un "médecin" que ses "collègues", dignes de ceux de Molière, traitent de charlatan.
Dans "La Mort de Louis XIV" d'Albert Serra, on a vraiment l'impression d'assister en "vrai" à la mort du souverain, pas à une reconstitution qui chercherait à montrer tout le décorum qui l'entoure, à faire le tour des pièces pour détailler les présents et les absents.
Quelquefois, une porte entrouverte laisse à penser que la Cour s'amuse malgré les circonstances, mais c'est tout ce qu'on verra d'autre du Palais hormis la chambre mortuaire. Albert Serra s'autorise aussi à des "images d'Epinal" en les traitant sans les "mots historiques".
Ainsi, le futur Louis XV, âgé de cinq ans à peine, vient lui rendre une dernière visite et l'on voit chez l'enfant plus de l'étonnement que de l'effroi devant le mourant et, bien entendu, pas une grande attention quand son arrière-grand-père lui prodigue ses conseils pour être "un grand roi aimé de ses sujets".
On recommandera particulièrement les scènes finales où est autopsié et éviscéré le pauvre corps royal, et l'on pensera forcément à tous les êtres chers dont on n'aura pas partagé les derniers instants comme on vient de le faire en direct avec le petit Doisnel devenu le vieux Louis XIV.
Loin d'être un film sinistre, "La Mort de Louis XIV" d'Albert Serra dit, à la manière de Montaigne, qu'il faut regarder la mort en face avec sinon de la sérénité du moins la conscience aiguë du rendez-vous irrémédiable qu'elle fixe à chacun. |