Réalisé par Gilles Perret. France. Documentaire. 1h24 (Sortie le 9 novembre 2016).
Cinquième film documentaire de Gilles Perret à sortir en salles, "La Sociale" fête l'anniversaire d'une septuagénaire qui a fait beaucoup de bien autour d'elle, qui a amélioré le sort des français les plus pauvres, les a protégés de la maladie et de la misère.
Née juste après la Libération, portée sur les fonds baptismaux par les Résistants du "Conseil National de la Résistance", elle a longtemps nargué les puissances d'argent et cru qu'elle pouvait contribué à plus de justice et d'égalité dans l'hexagone.
Mais les temps ont changé, défendre l'esprit de solidarité, soigner et protéger chaque citoyen quel qu'en soit le prix et sans faire de différence, cela paraît ringard et presque contre-nature dans des sociétés contaminées par l'idéologie néo-libérale du chacun pour soi.
Voilà pourquoi la sécurité sociale - car c'est bien elle "La sociale" de Gilles Perret ! - est aujourd'hui une dame si délaissée que personne, pas le moindre petit secrétaire d'État dans un gouvernement qui se dit pourtant socialiste, n'a eu l'idée de venir souffler ses 70 bougies et la remercier pour la tache accomplie.
Au contraire, et on le verra dans "La Sociale" de Gilles Perret, notamment dans une déclaration pleine de morgue et d'impudence d'un ex-ministre du travail dijonnais, les dirigeants socialistes ont une connaissance si approximative des origines de la "Sociale" qu'ils font du Général de Gaulle son papa.
Si c'est effectivement pendant son gouvernement provisoire que le "foetus" de la future Sécu prend forme. Il faut se souvenir que c'est sous la pression de la CGT et du parti communiste que l'état social est né en France.
Toute son histoire est contée avec un rare bonheur dans le film de Gilles Perret et l'on comprend vite que le grand homme, hélas oublié, et pire encore hélas volontairement oublié, qui a porté ce progrès social est Ambroise Croizat. Une haute figure qui n'a pas dans ses gènes des générations de hauts fonctionnaires et qui a connu le travail en usine, ce qui fait de lui une sacrée exception...
Personnage magnifique, poussé par une vision et transfiguré par la cause qu'il défend, il fera en moins de deux ans à son poste quasiment autant de réformes sociales positives que tous ses successeurs réunis pour détricoter son oeuvre. Ses proches, comme sa fille, toute petite en 1945, le disent : il s'est littéralement tué à la tache et mourra d'un cancer à moins de 50 ans en 1951.
Gilles Perret a toujours le chic pour trouver des personnages emblématiques. Cette fois-ci, il donne la part belle à un nonagénaire, décédé avant la sortie du film, Jolfred Fregonara, syndicaliste CGT qui a organisé et dirigé en 1945 la Caisse de sécurité sociale de Haute-Savoie.
Truculent, porteur de vérités nécessaires à redire encore une fois avant qu'elles ne soient rayées de la carte par ceux qui ont intérêt à ce que la protection sociale soit privatisée, Jolfred Fregonara, à l'image d'Ambroise Croizat, a été un moine-soldat de la cause sociale. Dans "La Sociale" de Gilles Perret, il ne cesse de répéter qu'il ne faut pas que cette œuvre soit dépecée.
On se doute que la cause sera malheureusement entendue dans les prochaines années, si ce que Gilles Perret remet au goût du jour et à l'oreille de ceux qui ne veulent pas l'entendre disparaît définitivement des mémoires.
On ne peut qu'accabler un gouvernement qui "oublie" de fêter les conquêtes sociales, comme il a aussi incompréhensiblement oublié de commémorer les 80 ans du Front populaire. On peut aussi mépriser ces millions de Français qui passent aux guichets de la Sécu comme si c'était un dû, sans s'être jamais posé la question de savoir comment tout cela était possible.
Ceux qui auront la curiosité citoyenne d'aller voir "La Sociale" de Gilles Perret le sauront. Et, en plus, ils auront vu à l'écran un très bon documentaire d'un cinéaste dont le travail doit être suivi et encouragé. Comme on disait jadis : "Vive la Sociale !" |