Thurston Moore joue en première partie de Dinosaur Jr. : si on avait été en 1991, cela aurait pu être une date filmée sur 1991 : The Year Punk Broke.
Oui, parce que le documentaire culte de la scène grunge / noise du début des années 90's montre la tournée européenne d'un Thurston Moore dans les Sonic Youth et un Jay Mascis des Dinosaur Jr. qui n'avait pas encore de cheveux blancs, les deux étaient accompagnés par Nirvana, les Ramones, les Babes in Toyland (avec Courtney Love) et les Gumball.
Mais on est en 2016 à l'Elysée Montmartre, les Sonic Youth se sont separés depuis cinq ans, même si Thurston Moore a toujours l'allure d'enfant terrible de la noise, et les Dinosaur Jr. ont très bien vieilli.
Thurston arrive super ponctuel en levant vers le public sa guitare acoustique, il s'assoit, nous dit "Happy Halloween" et en souriant commence à nous hypnotiser sur les notes de "Speak to the Wild" (The Best Day, 2014). La folie noise de Sonic Youth est tout à fait présente même sur les morceaux de sa période soliste comme "Turn On" et "Forevermore".
Pour le dernier morceau, il nous présente John Malone, son fidèle batteur qui l'accompagne sur "Ono Soul". "Bow down to the queen of noise" : il ne pouvait pas choisir un morceau plus adapté à l'atmosphère.
On a la grande et belle surprise d'écouter en exclusivité les deux nouveaux morceaux qui sortiront l'année prochaine sur le nouvel album. Il a juste sa guitare acoustique mais on est étonné par la beauté bruitiste des distorsions, il s'approche de l'ampli en levant la guitare à sa tête et là, on reconnaît la signature d'une jeunesse sonique qui a marqué une époque. "Always love" nous dit-il avec un sourire doux et sort en levant vers le haut sa guitare encore une fois.
Le public applaudit et quelqu'un derrière moi, une dame sur la trentaine, dit à son ami que le rock'n'roll est mort parce qu'il n'y a plus de groupes comme ça. J'entends aussi quelqu'un qui se plaint des Dinosaur Jr. qui prennent trop temps pour monter sur scène. Il y a les fans de l'ancienne garde et leurs fils, des jeunes avec des t-shirts feintement négligés et des autres devant moi qui commencent à se préparer pour le pogo qui va s?rement arriver.
Quand les Dinosaur Jr. arrivent, tout est prêt : Jay a derrière lui une énorme installation de six amplificateurs Marshall, rien que pour sa guitare. Ils ouvrent avec "Thumb" (Green Mind, 1991), continuent avec leur morceau culte des années 80's "Tarpit" (You're Living All Over Me, 1987), pour arriver à leur dernier album Give a Glimpse of What Yer Not. Le son est magistral, parfait, la confirmation attendue pour ce groupe du Massachusetts qui joue depuis 20 ans et qui a jamais déçu ses fans.
Le public est complètement pris par l'esprit du grand Dinosaur, on voit des gens voler dans la foule avec leur stage diving, et une jeune fille aux cheveux longs et en combinaison moulante multicolor très 70's monte sur scène pour danser. Sur le refrain de chaque morceau un nouveau pogo débute pour accompagner le headbanging fou de Lou Barlow. Deux cadeaux pour le public et pour les fans des Deep Wound et des Cure : les reprises de "Training Ground" et "Just Like Heaven".
En sueur, épuisé, le public sort en marchant lentement entre les nombreux gobelets de bière qui affolent la salle. Cette soirée va devenir une autre date culte de l'histoire de la musique et nous y étions.