Réalisé par Julie Bertucelli. France. Documentaire. 1h25 (Sortie le 9 novembre 2016).
Alternant fictions et documentaires, Julie Bertucelli restait sur un très beau documentaire, "La Cour de Babel" décrivant une classe d'accueil pour enfants migrants venant de la terre entière.
Cette fois-ci, c'est à un seul personnage - mais quel personnage - qu'elle accorde son attention dans "Dernières nouvelles du cosmos".
La jeune femme de presque 30 ans dont elle fait le portrait s'appelle Hélène Nicolas mais a pris comme pseudonyme d'artiste "Babouillec Sp". Car cette autiste qui ne parle (d'où "Sp" qui veut dire "sans parole" dans le patronyme qu'elle s'est choisie) est une artiste et Julie Bertucelli, dans son film, le prouve dans chaque plan.
Il y a dix ans, sa mère découvre qu'elle peut composer des mots à l'aide de petites lettres cartonnées et plastifiées. En quelques mois, le système prend sa vitesse de croisière quand les lettres sont rassemblées dans une sorte d'échiquier-casier où Hélène-Babouillec les puise.
Et là, c'est le miracle : les phrases produites sont d'une beauté qui rendrait jaloux le Rimbaud des "Illuminations" et elles stupéfient par leur évidente beauté et plus encore parce qu'elles révèlent une vraie pensée.
Dans "Dernières nouvelles du Cosmos" de Julie Bertucelli, on découvrira Babouillec en pleine création et on aura envie de retenir toutes les phrases qu'elle aura formées : "En jouant avec chacun des espaces secrets de mon cornichon de cerveau", "En libre raconteuse d'histoires le cosmos nourrit mes voyages...", "L'oeil goguenard de la caméra me sourit, mon amour du fantastique adore...".
Babouillec ne pratique pas l'écriture automatique surréaliste, mais s'exprime avec ses mots, et l'on est témoin de tout le bonheur qu'elle ressent de pouvoir ainsi franchir cette barrière de silence qui l'a tenue prisonnière de son monde pendant si longtemps.
Que ressent-elle, alors, quand Pierre Meunier monte sur scène ses textes dans un spectacle intitulé "Forbidden Di Sporgesi" ? Dans "Dernières nouvelles du cosmos" de Julie Bertucelli, on la voit, avec ses hauts et ses bas, ses joies et ses périodes moins drôles où sa différence la fait vraiment souffrir.
On remerciera Julie Bertucelli de n'avoir point caché les difficultés quotidiennes d'Hélène-Babouillec, de ne pas en avoir fait le portrait édulcoré. Jamais, elle n'élude qu'elle doit déployer une énergie folle pour que sa planète communique avec la nôtre. A la fin du film, on a envie de l'embrasser pour tous les efforts qu'elle consent et pour sa gentillesse à supporter le manque d'effort des autres à son égard.
Et on n'oubliera pas cette phrase géniale qu'elle a assemblé et qui est un des fleurons du spectacle de Pierre Meunier : "Être ou ne pas être, là est question. Dire merde à ceux qui croient savoir, là est la réponse." |