Réalisé par Simon Lereng Wilmont et Viktor Kossakovsky. Danemark/Suède/Norvège. Documentaire. 1h23 (Sortie le 9 novembre 2016).
Quel parent n'a pas rêvé que son fils soit un champion ? Quel enfant n'a pas souhaité voir de l'admiration dans les yeux de ses parents quand il fait tomber son adversaire sur le tatami ?
Dans "Graine de Champion" de Simon Lereng Wilmont et Viktor Kossakovsky, on va découvrir le quotidien d'enfants qui pratiquent déjà une discipline à haut niveau.
Tous les trois extraits d'une série de six portraits, ces courts-métrages en disent long sans avoir d'un grand discours sur le chemin qu'il faut parcourir pour maîtriser un sport ou une discipline comme la danse, comment il faut gérer ses émotions, savoir combattre l'adversité et comprendre très vite que jamais rien n'est acquis.
Dans "Ruben", Simon Lereng Wilmont montre un jeune escrimeur danois, un surdoué qui doit avant tout gérer son ego, accepter qu'il puisse perdre et continuer à être malgré tout un petit bonhomme de dix ans. En suivant ses assauts, pour déjà gagner des titres internationaux, on s'interroge sur une enfance quelque part déjà volée et l'on espère qu'au bout du long chemin qu'il devra parcourir, il y aura un vrai succès qui ne lui fera pas regretter cette jeunesse si particulière.
C'est peut-être encore plus violent pour "Nastya", la petite danseuse de 12 ans, filmée par Viktor Kossakovsky. Souvent racontée, la vie peu rêvée des "petits rats" prend grâce à la caméra virtuose du réalisateur russe une vraie dimension esthétique et artistique.
Ce que Nastya découvre dans cette année cruciale pour son devenir à l'académie de danse, c'est qu'elle n'est pas qu'un corps qui apprend à surmonter des difficultés techniques. Qu'elle ait désormais besoin d'en appeler à quelque chose de transcendant, esprit ou âme selon les goûts, c'est forcément un séisme que les plans très géométriques de Kossakovsky arrivent paradoxalement à évoquer.
Quant à "Chikara", le petit sumotori de 10 ans, l'enjeu est encore ailleurs : il craint de décevoir son père. Dans ce deuxième court signé Simon Lereng Wilmont, c'est le problème des enfants "poussés" par leurs parents qui est posé. Est-ce que Chikara a vraiment envie d'avoir la vie et le physique d'un lutteur de sumo, avec tout ce que cela comporte de sacrifice et de solitude ?
On s'interrogera sur cet étrange fusion d'un père et d'un fils. D'un père qui se projette dans son fils pour une espèce de réussite par procuration, d'un fils qui est plus satisfait d'un banal mot d'encouragement de son père que du gain d'un combat.
Présenté comme un documentaire pour "jeune public", "Graine de Champion" de Simon Lereng Wilmont et Viktor Kossakovsky devrait avant tout intéresser les parents de sportifs, quels que soient les sports pratiqués et le niveau atteint.
Et, si l'on va plus loin, le sport étant devenu la métaphore de la compétition libérale, celle de tous contre tous, les jeunesses montrées ici ne sont pas sans rapports avec celles d'enfants "coachés" pour prendre les meilleures places dans les bons lycées, atteindre les grandes écoles et intégrer les grands corps publics ou privés.
Si l'on excepte il y a quelques années le très convaincant moyen métrage de Thomas Bardinet, "La Petite mêlée", consacré aux jeunes rugbymen de Bordeaux-Bègles, il n'y avait pas grand-chose sur "sport et enfance".
Le projet initié par Simon Lereng Wilmont, que l'on verra intégralement en DVD en 2017, mérite d'être suivi. D'autant qu'il est traité avec finesse, préférant suggérer que démontrer et que, tout au moins, dans les trois histoires racontées par "Graine de Champion" de Simon Lereng Wilmont et Viktor Kossakovsky, les enfants sont filmés à la juste distance, celle où ils ne risquent ni d'être humiliés ni d'être prématurément statufiés. |