Aïe et re aïe. Voilà un disque qui pose problème. Vous voyez le cas de conscience avec à une oreille un petit diable et à l’autre un petit ange. Nous sommes en plein dedans. Valse hésitation, tiraillement. Parce que d’un côté ce disque s’il est souvent jubilatoire, il est également dans le fond assez horripilant.
Si l’on écoute le petit ange, où tout est beau et amour, nous pourrons dire que cela fait longtemps que nous n’avions pas entendu un disque de pop aussi réjouissant, un délice. Repéré par Jonathan Rado de Foxygen, qui s’est également occupé de la production ce qui s’entend immédiatement si l’on connaît le groupe avec cette folie et ses arrangements alambiqués, les frères Michael et Brian d’Addario, même pas quarante ans à eux deux, s’abreuvent largement à la source des sixties...
Il faut dire qu’ils ont été à bonne école. Enfin plus ou moins. Leur père Ronnie d’Addario, le digger exultera, a sorti quelques disques, notamment avec Tommy Makem, dans une tonalité très très sixties (axe Beatles, McCartney, Kinks, Beach Boys). Les chiens ne faisant pas des chats, les fils poursuivent la même veine avec les mêmes influences et les mêmes obsessions. Qu’ils se rassurent, ils ne sont pas les seuls, loin de là, ils sont légion… Et ces obsessions sont facilement identifiables : des gammes chromatiques à la Elton John, du doo-wop, des accords rappelant Supertramp, des harmonies à la CSN&Y, du lyrisme et des ralentendos que n’aurait pas renié Queen, des mélodies dignes des Kinks ou d’Harry Nilsson, une vision psychédélique à la Beatles, un peu de musique progressive à la Pink Floyd une utilisation du studio à la MGMT (ah mince, eux non….). Plus référencés tu meurs.
Et qu’on l’accepte ou non, cela ressemble parfois à un catalogue des passages obligés. On devinerait presque les enchaînements harmoniques, ça c’est facile, les riffs rythmiques et les mélodies avant que tout cela ne soit joué. Pourtant, cela fonctionne particulièrement bien ! Parce que c’est très, très bien écrit. Parce qu’il y a parfois une certaine audace dans les enchaînements d’accords et dans les mélodies ("These Words", "How Lucky Am I ?", "Baby, Baby") et parce que les gars savent tout simplement composer de bonnes chansons ("These Words", "How Lucky Am I ?", "As Long As We’re Together", "Frank", "A Great Snake").
Et puis il y a le petit diable. Celui qui te dit que tout y est : l’organologie obligatoire, la syncope rythmique ("I Wanna Prove To You"), les chœurs à la tierce ou à la quinte qui font aaahhhh, les suites harmonies, etc. On ne parlera même pas de la dégaine trop improbable pour ne pas être archi travaillée et du côté enfant star puisqu’ils ont déjà tâté du cinéma….Si l’on était médisant, on penserait même que ces The Lemon Twigs ne seraient qu’un pur produit à la Foxygen. Et puis, vous allez me dire que la musique est d’abord histoire de sensations, ce dont je ne suis pas d’accord à cent pour cent, mais prenons un musicien par exemple : Miles Davis. Comparaison osée je le concède. Si Miles Davis avait passé sa carrière à regarder quarante années derrière lui, la musique actuellement n’aurait sûrement pas le même visage. Si l’ambition du rock et de la pop est de toujours regarder en arrière, quelle tristesse !
Alors ange ou démon ? Reste que ce disque sera beaucoup écouté mais il ira rejoindre ses camarades (Foxygen, Temples, Tobias Jesso Jr... pour ne parler que de groupes récents) et finira par prendre la poussière sur les étagères, remplacé par un groupe du même acabit l’année prochaine…
Coup de froid sur le pays, tant en terme de météo que de politique. Réchauffons nos petits coeurs avec de la musique, des livres du théâtre et la MAG#90...
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