La première fois que j'ai croisé la route de Mathieu Peudupin, c'était sur CD quand il était dans le groupe Asyl, je ne m'étais pas arrêté... Quand j'ai recroisé le chemin de Mathieu, c'était sous le nom de Lescop pour son premier EP en 2011, La Forêt. Une mélancolie exaltante transpirait de ce vinyle noir aux influences 80's mais avec une touche de modernité palpable et revigorante sur des textes léchés et exquis! L'album Lescop sort dans la foulée, il contient de véritables diamants bruts mais ne m'emporte pas plus que cela.
En 2016, j'apprends que pour la troisième fois, je vais croiser le sentier de Lescop... En écoutant les premières chansons disponibles, je savais que c'était le bon moment pour pouvoir enfin échanger quelques mots avec lui, en vrai. Quand l'album Echo est sorti, toujours sur le label Pop Noire (fondé par Johnny Hostile aka Nicolas Congé et Jehnny Beth aka Camille Berthomier chanteuse du groupe Savages), cette rencontre devait se faire ! Voici nos échanges sur un disque d'une redoutable efficacité.
Comment as-tu abordé la création de ce deuxième album ? As-tu eu plus de temps ?
Lescop : Celui-ci s'est fait d'une traite, alors que sur le premier on a fait ça chanson par chanson. J'ai écrit les paroles l'été, j'ai sélectionné les meilleurs textes, je suis rentré en studio, on a composé la musique au rythme d'une chanson par jour. Tout a été bouclé en 10 jours, mis à part le travail d'arrangements et de production.
Je te le dis tout de suite, je trouve Echo vachement plus intéressant que ton premier album, il est plus abouti et cohérent, il y a quelque chose de vraiment hyper séduisant dans ce disque. J'ai ressenti quelques influences disco, un peu funk avec une basse un peu ronde. Ton album me fait penser aux soirées parisiennes, je voudrais savoir, par rapport aux riffs disco que j'ai pu entendre, si cela était voulu et si ça faisait partie de tes influences ou si tu as voulu mixer tout simplement différents genres musicaux ?
Lescop : Cela se fait naturellement, tu ne te dis pas forcément que tu vas faire ça. C'est un peu la même démarche de Bowie au milieu des années 70, la période entre Station to Station, Heroes ou Low, une espèce de relecture européenne d'une musique afro-américaine et après de plus en plus froid. Nous on voulait que cela soit comme ça. Johnny Hostile qui a produit l'album et moi, on est fan de toutes sortes de musiques et entre autres de disco des années 70, française ou italienne. Effectivement, ce sont des trucs qui peuvent s'entendre par moment.
Il y a un riff, d’ailleurs je n'arrive pas à remettre un nom sur la chanson (ndlr : "Hot Stuff" de Donna Summer), il y a un riff de guitare sur la chanson "Dérangée" qui est hyper disco, avec une intro à la Blondie ! Ce que j'aime sur ton album, c'est le rapport de la musique qui est plutôt chaude avec des textes qui sont un peu froids, un peu sombres, un peu ambigus, c'est ce que je trouve intéressant.
Lescop : Effectivement, c'est un peu une espèce de rencontre du chaud et du froid, de la culture un peu européenne et de ce langage d'écriture cold-wave, new-wave et punk. Tout ceci lié à des musiques que l'on a tous plus ou moins écoutées. Tu parlais de Blondie, c'est exactement ça. Un mélange de musique européenne et afro-américaine. On a pas mal écouté de rap aussi comme Kendrick Lamar, Gucci Mane ou bien encore Vince Staples. On a essayé de faire un mix de tout ça, en trouvant notre langage.
C'est marrant que tu parles de ça car j'ai trouvé que dans la chanson "Suivie", il y avait une écriture assez cinématographique et j'aimerais bien savoir comment ce titre va rendre en live. C'est une chanson qui pourrait incroyablement faire bouger ton public, c'est très tribal, hypnotique, le public pourrait facilement se laisser aller avec des rythmes encore plus électro ou disco ! Comment tu envisages la scène ou l'évolution de tes chansons pour le live ?
Lescop : Non, ça va rester fidèle à l'album avec une dimension scénique en plus, un côté organique avec des musiciens qui jouent, un bon live doit être hypnotique, il doit emporter le public, je déteste un concert où tu as le temps à penser à autre chose. Tu dois embarquer le public avec toi et ne pas le laisser réfléchir. Un bon live doit solliciter tous tes sens, tu dois pouvoir te concentrer que là-dessus. Ton système nerveux travaille à fond et ton cerveau aussi, tu dois être dans un état second.
Je voudrais maintenant revenir sur ton premier album et faire un rapprochement avec le deuxième : Lescop était un voyage autour du monde, tu y parles de Tokyo, de Ljubljana, Los Angeles... et avec Echo on fait plutôt un voyage au bout de la nuit. Dans quelle direction tu t'aventures pour la prochaine étape ?
Lescop : Cela serait intéressant d'aller vers le soleil. Tu vois en ce moment, je suis vachement intéressé par tout ce qui se passe en Afrique du Sud, Cape Town entre autres, je trouve que la scène électro, pop et rap est excitante. J'aimerais bien mettre un peu de ça dans ma musique, j'aime bien des mecs comme Spoek Mathambo ou Petite Noire. J'aimerais bien me tourner un peu vers ça mais je te dis ça maintenant, une fois en studio, ça sera peut-être différent. J'aimerais bien pousser le truc vers l'hypnose, la transe ou la dance mais tout en gardant mon côté minimal.
J'ai aussi remarqué que sur ton premier album on voyait ton visage en gros plan, le deuxième album plutôt en plan poitrine et le troisième est-ce qu'il sera en plan américain ?
Lescop : On verra ma bite (ndlr : on a bien rigolé).
Je ne voyais pas aussi rapidement la progression.
Lescop : Je ne sais pas, ça sera une surprise tu verras ! Je ne peux pas savoir, ça correspond à un instant. On a gardé la charte graphique Lescop, je voulais juste un peu de couleur pour Echo, mais très pâle. On a fait des polaroïds avec un vieux Mamiya (ndlr : moyen format). Ça me permet de voir cette projection de moi au travers de mes albums et comment le tout évolue.
Ton année 2017 s'annonce plutôt chargée, avec entre autres un concert au Trianon le 8 avril à Paris.
Lescop : Du live jusqu'à la fin de l'été pour le moment qu'en France, à l'étranger c'est à voir... c'est difficile de monter une tournée en dehors de la France sans trop perdre d'argent. Il faut que je continue à écrire, j'aimerais bien rentrer en studio dans pas trop longtemps.
C'est toujours un peu dans l'urgence l'univers de Lescop ?
Lescop : Oui, c'est en effet le cas, mais quel artiste ne l'est pas ? Je pense que c'est dans l'ADN même de la création artistique le sens de l'urgence.
Ma dernière question : quel vin conseillerais-tu pour écouter ton album seul ou avec des amis ?
Lescop : Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse ! "Pourvu qu'il fasse ses douze degrés cinq" comme disait Boris Vian !
|