Réalisé par Sébastien Betbeder. France. Aventure. 1h38 (Sortie le 30 novembre 2016). Avec Thomas Blanchard, Thomas Scimeca, François Chattot, Ole Eliassen, Adam Eskildsen, Benedikte Eliassen, Mathias et Judith Henry.
Sébastien Betbeder ne chôme pas. Après "Marie et les naufragés" sorti en avril, "Le Voyage au Groenland" est son deuxième film sur les écrans en 2016.
Il y retrouve les deux Thomas, Thomas Blanchard et Thomas Scimeca, déjà présents dans plusieurs de ses films précédents et surtout déjà parties prenantes à son court métrage "Inupiluk" qui entame ce qu'il appelle sa trilogie "groenlandaise".
Car après ce court, Prix Jean Vigo du court-métrage 2014, suivra sur le même sujet "Le Film que nous tournerons au Groenland" avant que "Le Voyage au Groenland" ne soit sa conclusion.
Pour une fois, grâce à Sébastien Betbeder, le cinéma français sait se dépayser et Kullorsuaq, le village inuit où les Thomas vont rejoindre Nathan père de l'un d'eux, avec ses jolies maisons en couleurs au bord de la blanche banquise, est un lieu qui rafraîchira tous les regards grisâtres des spectateurs.
D'autant qu'ici, la caméra du cinéaste n'a aucun relent colonial ni touristique et, à l'image de ses deux personnages de pré-trentenaires très intermittents du spectacle, développe une des meilleurs qualités humaines : la bienveillance.
"Le Voyage au Groenland" de Sébastien Betbeder n'a pour but unique que de rapprocher les gens, que ce soit le Thomas incarné par Thomas Blanchard avec ce père qui a refait sa vie au Groenland, ou qu'il s'agisse des occidentaux qui regardent sur l'écran les paisibles inuits vivant leurs vies avec toute la contradiction d'être à la fois des "autochtones" et des "scandinaves" au passeport danois.
On ne narrera pas toutes les micro-aventures que les deux amis vont devoir vivre. Il ne faut cependant éluder qu'on sera tenté d'avoir une pensée pour "Nanouk", le chef d'oeuvre de Robert Flaherty qui reconstitue la vie des esquimaux au prix de sévères entorses à la réalité.
Ce n'est pas ce reproche qui viendra à l'esprit du travail de Sébastien Betbeder. Si l'on y verra des traîneaux avec des chiens et d'authentiques chasseurs de phoque, on y découvrira aussi une population concernée par la modernité et donc connectée.
Ce sera l'occasion de moments franchement hilarants comme ce "suspense" pour les deux comédiens chômeurs, cherchant à pointer comme tous les mois, et devant prier que le bas débit de leur ligne suffise à prévenir le "Pole emploi" pour rester parmi ceux qui sont indemnisés.
Seront-ils ou non radiés ? On le saura en allant voir "Le Voyage au Groenland" de Sébastien Betbeder, une excellente surprise dont le minimalisme est synonyme de pudeur et dont le bon esprit est sans failles.
Par dessus le marché, les deux Thomas sont des comédiens qui commencent à bien mener leurs barques et l'on verra que cette plongée "en terre inconnue" sans Frédéric Lopez leur plaît bien puisqu'elle est largement profitable pour desserrer toutes les contradictions dans lesquelles ils se débattent. On aura aussi une grande pensée pour François Chattot qui se sort formidablement de l'idée d'être le père d'un "grand fils" et qui transmet par petites touches heureuses son goût pour cet endroit et ce peuple.
Aucune raison, donc, pour ne pas choisir ce périple pas cher vers un ailleurs véritable sans la chanson sur ce paradis menacé d'anéantissement par les fléaux du libéralisme mondialisé.
Pourtant tout est là, jamais caché, du réchauffement climatique et de ses effets sur la banquise aux méfaits d'internet sur l'avenir d'habitants qui vivent désormais plus ou moins bien le fait de se savoir si loin de cette "civilisation" qui rentre chez eux quotidiennement.
Mais "Le Voyage au Groenland" de Sébastien Betbeder a choisi un optimisme bien tempéré, et l'on s'enfoncera, comme ses personnages, dans la neige pour parcourir la belle et longue distance qui sépare de l'amitié et de la compréhension mutuelle. |