Réalisé par Mira Nair. Etats Unis/Grande Bretagne/Qatar. Thriller. 2h10 (2012). Avec Riz Ahmed, Kate Hudson, Liev Schreiber, Kiefer Sutherland, Om Puri, Shabana Azmi, Martin Donovan et Nelsan Ellis.
Sorti aux États-Unis en 2012, "L'intégriste malgré lui" de Mira Nair n'a pas été distribué en France. Pourtant, depuis le succès public de "Salaam Bombay !" (1988), la réalisatrice indienne a acquis une réputation mondiale qui lui a permis d'être à la tête de productions internationales.
Certes, le bon côtoie le moins bon dans sa filmographie, mais on ne s'explique pas, sauf à considérer le sujet comme un "sujet à risques", pourquoi "L'intégriste malgré lui" n'a pas connu de programmation française.
Car le film, de facture classique, tient pendant deux heures son sujet et, grâce à l'oeil non occidental de Mira Nair, montre toute la complexité du parcours d'un jeune Pakistanais brillamment diplômé d'une université américaine et ayant grimpé très vite dans la hiérarchie d'une multinationale, victime collatéral du 11 Septembre.
En effet, Changez avait tout pour réussir dans un univers où l'argent était roi et transcendait toutes les frontières de race et de religion. Il n'en a plus beaucoup dans une Amérique traumatisé par le coup d'éclat de Ben Laden.
C'est ce parcours que conte avec force détails Mira Nair. Comme dans la chanson de Renaud, "Manhattan Kaboul", Changez est "bien intégré, quasiment new-yorkais" mais tout à coup tout s'effondre dans un toucher rectal d'un policier qui ne voit pas en lui le brillant capitaliste sans scrupule mais un musulman potentiellement terroriste...
On le retrouve donc quelques années plus tard, barbu et habillé à l'orientale. Est-il désormais passé de l'autre côté de la force intégriste ? Un journaliste, lui aussi, revenu de bien des idéaux, devra percer son mystère pour la CIA à la recherche d'un otage.
Suspense dans le Pakistan sous tension et retours en arrière biographiques pour comprendre pourquoi on en est arrivé là alternent dans cette production au budget confortable et qui sait, sans doute grâce à sa réalisatrice, ne pas sombrer dans le manichéisme.
Le beau personnage de Changez est toujours promis, même dans la nasse pakistanaise, à un bel avenir s'il ne subit pas l'ire des uns et des autres. Parviendra-t-il à incarner une troisième voie "démocratique" entre une Amérique belliciste et un fondamentalisme conquérant ?
Bénéficiant d'une distribution américaine brillante, avec un Kiefer Sutherland royal et un Liev Schreiber impressionnant dans le rôle de Bobby Lincoln journaliste à la dérive au Pakistan, "L'intégriste malgré lui" de Mira Nair donne aussi de beaux portraits d'orientaux.
Pour une fois, l'autre n'est pas caricatural, qu'il s'agisse de l'éditeur turque qui contribue à convaincre Changez de quitter sa multinationale prédatrice, ou de la famille pakistanaise du héros, avec notamment le grand acteur indien Om Puri qui joue puissamment le père du héros.
En plus, on soulignera une rareté dans un film américain : l'existence d'un couple "interracial" Kate Hudson-Riz Ahmed que l'on voit même dans une scène d'amour.
Encore une raison de visionner "L'intégriste malgré lui" de Mira Nair qui réussit à faire passer en deux heures de cinéma "classique" un message de tolérance qui, sans être militant, va à l'encontre du manichéisme dominant depuis le 11 Septembre. |