Textes de Marguerite Duras, mise en scène de Laurent Sauvage, avecavec Marine de Missolz et Guy Prévost.
Pour qui a dîné moult fois pas loin de Marguerite Duras au "Petit Saint Benoît", 4 rue Saint Benoît, cette heure passée dans et autour de la cuisine de la plus germanopratine des Indochinoises fera office de madeleine. Dans son adaptation d'un livre de la reine Margot qui fit l'objet d'une sacrée cuisine entre héritiers, Laurent Sauvage a eu la belle idée d'ajouter en entrée la lecture d'un large extrait du "Vice-Consul", l'un de ses plus beaux romans. Préfigurant "India Song" au cinéma, ce roman décrit la marche d'une mendiante cambodgienne jusqu'à Calcutta. C'est donc par un récit d'affamée, avide d'un grain de riz ou d'un peu de nourriture qui tromperait sa faim, que commence cette ode à la nourriture dans l'oeuvre de Marguerite Duras. Elle sera, heureusement, suivie de recettes de la gourmande des Éditions de Minuit. On y évoquera ainsi les "boulettes à la grecque façon Mélina" (Mercouri) et nombre de recettes qu'elle concoctait dans sa résidence de Neaulphes-le-château. On ne racontera pas sa manière - mythique - de concevoir la soupe aux poireaux qui lui faisait retrouver, l'espace d'un instant gastronomique, des accents péremptoires de sa période stalinienne. Attablés chacun à une table différente, Marine de Missolz et Guy Prevost ont bel appétit pour mâcher la phrase durassienne, la dévorer ou l'engloutir. Chacun a mis son tablier mais si Marine de Missolz croque les mots à pleines dents, Guy Prevost préfère les attendrir pour les savourer plus longtemps. Il ne s'emportera jamais, sauf quand le repas avançant, il aura une pensée pour la benne à ordures qui accueille dans un même élan démocratique les restes des bonnes et des mauvaises tables. Cette mise en bouche de Laurent Sauvage, qui donnera certainement à quelques-uns l'idée de profiter du restaurant qui accueille "La Cuisine de Marguerite", est parfaitement réussie. Avec des produits simples et bons, des ingrédients qui font que Marguerite Duras n'a jamais connu de purgatoire, on obtient un spectacle qui devrait recevoir plusieurs étoiles quand le Guide Michelin se fera critique théâtrale. |