Comédie dramatique d'après une pièce de Brian Friel, mise en scène de Julie Brochen, avec Julie Brochen, Olivier Dumait, Ronan Nedelec et Nikola Takov.
Adapté de "Molly Sweeney" de Brian Friel par Julie Brochen, "Molly S." est un spectacle qui parie sur l'intelligence du spectateur et qui lui offrira de belles choses toutes simples à voir et à entendre. A commencer par l'écriture de Brian Friel, dont on a vu il y a quelques mois une version ambitieuse de "Danser avec Lughnasa" et qui confirme ici qu'il est un dramaturge important. Avec "Molly Sweeney", il s'inspire des travaux du neurologue Olivier Sacks pour raconter ce qu'il advient d'une aveugle opérée qui retrouve la vue qu'elle avait perdue quelques mois après sa naissance. Brian Friel imagine une femme "cloîtrée" dans sa cécité et qui, grâce à un grand médecin, retrouve la vue. Mais le miracle médical n'est pas forcément source de bonheur et le parcours postérieur à l'opération de Molly S. va le prouver tragiquement. Les discours tenus par Molly, par son chirurgien ou par son compagnon, sont de vraies leçons philosophiques et Julie Brochen a bien fait de les entrecouper de "Chansons", pour la plupart écrites par de grands compositeurs anglais comme Benjamin Britten, Ralph Vaughan Williams, Ivor Gurney. Comme Olivier Dumait, qui joue le brillant ophtalmo devenu alcoolique, est un ténor de renom et que Ronan Nedelec, le compagnon dévoué de Molly, est un formidable baryton, on a le privilège d'entendre de somptueuses mélodies interprétées à la perfection et accompagnées subtilement par Nikola Takov. Tout le charme de "Molly S." provient largement de cette alternance qui crée un vrai climat aux enjeux forts, d'autant que Julie Brochen fait de Molly un personnage qui découvre au moment où elle quitte la peau d'une aveugle qu'elle n'a pas choisi vraiment d'abandonner l'obscurité qui la construisait pour la lumière où tout lui est inconnue. Comme elle ne va pas recouvrer totalement la vue, elle se rend compte qu'elle a peut-être lâché la proie pour l'ombre...
Julie Brochen mène sa narration sans aucun temps mort et c'est presque avec regret que l'on quitte des personnages attachants et une histoire singulière qui interroge sur ce qu'être différent veut dire. |