Spectacle conçu et mis en scène par Robert et interprété par Mikhail Baryshnikov.
"Letter to a man", un des derniers spectacles en date de Robert Wilson, forme un deux-en-un : un incontournable "must-see event" avec la présence du danseur d'origine russe Mikhaïl Baryshnikov, ex-danseur étoile transfuge du Bolchoï, qui campe le danseur polonais Vaslav Nijinski, surnommé en son bref temps le "Dieu de la danse" et la quintessence de l'esthétique wilsonienne.
Formé au Pratt Institute, le "theater director" et "visual artist" Robert Wilson pratique un théâtre purement formel dans lequel le texte, la narration et la dramaturgie constituent, au mieux, des ingrédients subsidiaires inféodés à la lumière qui procède à la structuration géométrique de l’espace et au son.
Et il fait du Robert Wilson en plaquant sur tous ses spectacles destinés à provoquer une immersion sensorielle propices à des "visions" pour les spectateurs qui y sont perméables, à de belles images pour les autres, le même canevas, celui d'un cadre visuel composé de séquences déclinant des éléments scénographiques récurrents et désormais, l'homme étant plus que septuagénaire, immuables.
Ainsi en est-il donc pour "Letter to a man" qui propose une adaptation des "Cahiers" écrits par Nijinski, homme psychiquement et émotionnellement instable, le danseur prodige et comète des Ballets Russes sous la direction dominatrice de son mentor et amant Serge Diaghilev avec lequel il forme un couple passionnel et névrotique jusqu'à son mariage.
En 1908, il rencontre Diaghilev, en 1913, il danse "Le sacre du Printemps" qui signe son crépuscule et, en 1919, il sombre dans la folie après avoir consigné ses obsessions délirantes dont, en l'espèce, des bribes écholaliques, enjolivées par la traduction de Christian Dumais-Lowski, sont dispensées en boucle en anglais et en russe par les voix off de Lucinda Childs et Mikhaïl Baryshnikov.
Sur scène, avec une iconographie musicale des années Folles, celui-ci officie en smoking et maquillage expressionniste brechtien blanc et noir des artistes de cabarets berlinois des années 1930 dans une boîte noire bordée en avant-scène d'une rampe d'ampoules lumineuses clignotantes qui évoque les scènes de music-hall. En fond de scène, un cyclorama, du noir et blanc aveuglant aux couleurs saturées, dont celle de prédilection de Robert Wilson, le bleu Klein, sert également de théâtre d'ombres et d'écran vidéo.
Le plasticien Robert Wilson n'a pas perdu la main et le travail de lumières de A.J. Weissbard s'avère émérite et la gestuelle de Mikhaïl Baryshnikov dont la performance ressort à la pantomime, même si chorégraphiée par Lucinda Childs, car il n'esquisse que quelques pas de danse, séduit.
Mais, l'ensemble, qui, de sucroît, pâtit de longs noirs lors des mises en place des éléments de décor, ne parvient pas à convaincre tout en produisant de belles images et comportant d'inattendues fulgurances liées au "bon mauvais goût" décalé de Robet Wilson.
Tels les silhouettes d'animaux sorties d'un album pour enfants, une "cocotte" tenant en laisse un gros poulet jaune qui ressemble davantage à une oie, animal symbolique dans la culture populaire polonaise, pour caricaturer l'obsession sexuelle de Nijinski, et l'exhumation du seul - et inénarrable - opus du chanteur "fou" Napoléon XIV érigé en gimmick qui se révèle jubilatoires. |