Réalisé par Yaelle Kayam. Danemark/Israël. Drame. 1h23 (Sortie le 4 janvier 2017). Avec Shani Klein, Avshalom Pollak et Haitham Ibrahem Omari.
Il y a quelques semaines, on avait pu voir "Tikkoun" d'Avishai Sivan qui racontait comment un étudiant orthodoxe découvrait les tentations profanes de Jerusalem.
Dans "Mountain" de Yaelle Kayam, c'est au tour de Tzvia, une jeune mère de famille de quatre enfants, mariée à un professeur en yeshiva, et elle aussi très pieuse, de faire face à l'autre Israël, celui qui vit dans un monde sans tabous religieux.
La "montagne" du titre n'est autre que le "Mont des Oliviers", lieu chargé de symboles pour les religions du livre. Vivant au pied d'un cimetière, Tzvia délaissée par son mari, pris par ses occupations méditatives, découvre qu'il y a une vie la nuit dans ce lieu de repos éternel : prostituées, homosexuels s'y retrouvent pour des activités qui pourraient déranger la tranquillité des morts...
Peu à peu, elle entre en contact avec ces ombres de la nuit, et le jour elle parle aussi à un sympathique fossoyeur arabe.
Entre insatisfaction sexuelle et découverte de l'altérité, avec en arrière-fond des cloches d'églises qui sonnent, cette mère de famille, qui ne reçoit pas beaucoup d'amour d'enfants qui ne voient en elle qu'une cuisinière ou une aide ménagère, sombre peu à peu dans la déprime. Fumant sans cesse, n'ayant pour horizon que cet enchevêtrement de pierres tombales, elle ne vibre plus qu'à la lecture d'une poétesse enterrée dans le cimetière.
Film minimaliste, "Mountain" de Yaelle Kayam contient une étonnante densité. Tout y est signifiant à commencer par ces magnifiques plans de ce cimetière bâti à flanc de collines. Toutes ces milliers de tombes en pierre blanche rappellent vraiment qu'on est ici sinon dans une "terre sainte" mais pour le moins dans un endroit porteur d'une histoire riche en faits mythiques ou historiques.
A son tour, et sans qu'on le spectateur ne l'ait pressenti, l'histoire contée par la caméra de Yaelle Kayam va prendre elle aussi place dans ce tissu de récits fabuleux. Pour cela, il suffira d'un peu de mort-aux-rats déposé à bon escient par Tzvia dans une des marmites où elle a cuit un bon pot-au-feu... On n'en dira pas plus et l'on restera dans l'expectative sur ce qu'elle a pu finalement mijoter.
"Mountain" n'est pas forcément un film anti-religieux. Il mesure les conséquences sur l'équilibre mental de ceux qui s'adonnent à une extrême religiosité. Que Tzvia succombe au climat du "Mont des Oliviers" est un immense gâchis car, sans être une sainte femme, elle portait en elle une vraie propension à la piété et à l'écoute de l'autre. On n'oubliera pas la belle scène dans laquelle un Coréen lui lit dans sa langue sa traduction d'un poème écrit en hébreu.
Au bout du compte, grâce à l'interprétation toute en retenue de Shani Klein, "Mountain" de Yaelle Kayam est un film tragiquement sensible. |