Spectacle jeune public conçu par Alexandre Letondeur, mse en scène par Ned Grujic, avec Alexandre Letondeur et Romain Puyuelo.
Ils sont parfaits, Paul et Ferdinand, pour expliquer la guerre de 14, comme on disait au siècle dernier, aux enfants de tous les âges. Victimes du grand carnage qui faucha énormément de Paul et de Ferdinand, ils sont envoyés sur terre à des fins pédagogiques, justement pour mieux faire comprendre aux plus jeunes ce qui s'est passé entre août 1914 et novembre 1918. Aux plus jeunes, c'est le prétexte. Car cela ne fera également pas de mal à ceux qui les accompagneront de se rafraîchir la mémoire sur la première guerre mondiale. Les deux poilus choisis pour accomplir le nécessaire travail de mémoire ne sont pas a priori les plus aptes pour réussir leur ingrate mission. A-t-on déjà vu des témoins avec des nez aussi rouge clown ? A-t-on connu pareils farceurs ayant vécu tant d'horreurs ? Tombés littéralement dans une chambre d'enfant, ils ne sont pas là pour bercer les petits d'hommes d'illusions sur leur vie toute neuve. Pas question de nier, par exemple, l'existence de la mort partout présente sur les champs de bataille, ou tapie dans les tranchées traquant les estomacs affaiblis et les organismes sensibles aux épidémies. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que les enfants présents ne leur en veulent de parler "mort". C'est vrai qu'ici on la montre immédiate et qu'on évite de parler des gaz ou des gueules cassées. Dans leurs uniformes bleus, Paul et Ferdinand sont des guides valeureux et astucieux. Une quille figurera un régiment, voire une armée, et il ne faudra qu'une pichenette pour donner le coup fatal à toute une armée.
Ils expliquent simple et bien, à l'aide de tout ce qui leur tombe sous les mains. Avec des petites poupées à têtes d'alsacienne ou d'archiduc autrichien, ils évoquent les causes de la guerre. En mitonnant une recette, ils dissèquent celles de la "Victoire". Les poils d'un balai seront la moustache d'un général démago et c'est dans un parc d'enfant que les deux alliances militaires se livrent à un vrai combat de boxe. Le texte d'Alexandre Letondeur est précis et jamais sentencieux. Comme son compère Roman Puyuelo, il incarne vraiment un "petit poilu" qui n'a jamais sa langue dans sa poche. Dans la mise en scène fluide et colorée de Ned Grujic, les deux acteurs paraissent plus vrais que nature.
Ces deux morts revenus à la vie se pincent pour croire qu'ils sont de nouveau vivants. On comprend leur joie et elle ne fait pas tache pour décrire cette période noire. Jouant volontiers de la trompette et de l'accordéon, poussant la chansonnette, ils savent aussi émouvoir quand ils donnent leur version de la "chanson de Craonne". Modèle de spectacle pour enfants faisant sens, "Le petit poilu illustré" d'Alexandre Letondeur démontre que le théâtre peut être un vecteur pour enseigner l'Histoire. Les enfants présents n'auront pas perdu leur temps : ils auront découvert l'univers théâtral et sauront désormais parler de la guerre de 1914. Coup double grâce à deux acteurs formidables qui se donnent à fond dans leurs beaux uniformes bleus horizon qui glorifient les braves petits pioupious sans jamais laisser croire une seconde que la guerre pourrait être jolie.
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