Réalisé par Thomas Kruithof. France/Belgique. Espionnage. 1h40 (Sortie le11 janvier 2017). Avec François Cluzet, Denis Podalydès, Sami Bouajila, Simon Abkarian, Alba Rohrwacher, Philippe Resimont, Daniel Hanssens et Bruno Georis.
Espionnage et cinéma français ont-ils souvent fait bon ménage ? Y a-t-il eu un seul film porté par une intrigue digne d'un film adapté de John Le Carré ?
On doit admettre que s'il existe un film d'espionnage à la française, il est à chercher dans le genre parodique, quelque part entre Lemmy Caution et OSS 117.
Dès son titre pas commun, "La Mécanique de l'ombre" de Thomas Kruithof bénéficie d'un préjugé favorable. Comme "Le Grand Jeu" de Nicolas Pariser, vu l'an passé, il explore les arcanes des services secrets français, bien entendu supposés remplis d'agents troubles liés à des officines aux intérêts divergents.
Mais le travail de Thomas Kruithof sait éviter, tout au moins avant sa dernière demi-heure qui aboutit à une fin sinon ratée du moins fort convenue, les poncifs véhiculés par Nicolas Pariser.
Le film commence dans un vrai climat d'étrangeté, porté par François Cluzet en anti-héros dépressif et chômeur de longue durée. Homme honnête, scrupuleux et intelligent, il n'était pas prédestiné à rentrer dans un monde où cumuler ces trois qualités est fort rare.
Le personnage de Cluzet est particulièrement bien dessiné, avec son épée de Damoclès d'ancien alcoolique au-dessus de la tête, et permet au spectateur de s'y identifier. C'est avec lui que l'on pénètre peu à peu dans l'univers opaque et paranoïaque dans lequel agit Denis Podalydès. Pour une fois, on peut écrire qu'on n'est pas très loin des films d'espionnage anglo-saxons.
L'atmosphère à la John le Carré est ici mâtinée de réminiscences d'affaires françaises qui diront quelque chose aux friands de mystères trop limpides pour que la justice ait pu passer.
"La Mécanique de l'ombre" de Thomas Kruithof est donc un film prometteur d'autant que l'on sent chez le réalisateur un amour "à l'ancienne" des comédiens. Même Alba Rohrwacher, qu'on a vu et revu dans le cinéma international, défend avec brio son rôle d'alcoolique. Les séances aux "Alcooliques anonymes" constituent d'ailleurs une échappée hors monde de l'espionnage assez intéressante.
Si l'on compare les personnages de "La Mécanique de l'ombre" à ceux du "Grand Jeu", on n'a pas cette impression en voyant Podalydès qu'il rejoue sa partition habituelle quand il vient jouer les grands seconds rôles, ce qui n'était pas le cas de Dussollier dans le film de Nicolas Pariser.
Sans s'enflammer, on passera un bon moment de ce film qui croit en son scénario au point de pouvoir laisser une bonne impression malgré, comme on l'a déjà dit, une fin assez décevante. |