Musique sep Théâtre sep Expos sep Cinéma sep Lecture sep Bien Vivre
  Galerie Photos sep Nos Podcasts sep Twitch
 
recherche
recherche
Activer la recherche avancée
Accueil
 
puce puce
puce Des jours éblouissants
Jiang Wen  janvier 2017

Réalisé par Jiang Wen. Chine. Comédie dramatique. 2h20 (1994). Avec Xia Yu, Ning Jing et Xiao Gang Feng.

Avec le Cycle "Nouvelles voies du cinéma chinois", la Cinémathèque française se penche sur une sélection de films, extrêmement rares en France. Deux cinéastes seront particulièrement mis à l’honneur : le vétéran Jia Zhangke, bien connu en France, et Jiang Wen, qui l’est moins, dont est présenté, en ouverture, le premier film "Des jours éblouissants" inédit en France.

C’est le début de l’été, et déjà, la chaleur. Dans les rues désertes, les rayons du soleil s’attardent mollement, s’étirent le long des murets qu’ils caressent presque amoureusement.

C’est le début de l’été, et les enfants ont envie de jouer et de s’aimer. Du haut de leur vélo, "Monkey" et sa bande de copains sont les maîtres du quartier. Une cigarette au coin des lèvres, une brique d’argile au fond de leur besace, ces caïds en herbe profitent pleinement de leurs vacances.

C’est le début de l‘été, et les adultes ne sont pas là. Envoyés au loin pour les besoins de la Révolution culturelle, ils n’occupent qu’une place très discrète dans la vie de ces jeunes gens. Si ces héros rêvent d’exploits militaires, c’est au travers des défilés, des chants, des films et des jeux : la guerre, pour eux, n’est finalement qu’une réalité reconstruite par le prisme de leur propre désir d’héroïsme.

Les affrontements que mènent entre eux ces grands enfants, faute d’être de vrais guerriers, ne sont pas sans violence : la bicyclette devient un char d’assaut, la brique une crosse de fusil. Mais cette guerre des clans se finit finalement dans la joie, avec une bataille de rue… qui n’aura jamais lieu.

Pourtant, la violence n’est jamais loin, dans ce film où les personnages insouciants défient sans cesse la mort, ou la rejouent de façon héroïque. Le petit caid, acclamé par ses frères de gang, finira assassiné par une bande de jeunes voyous ; le grand-père de Monkey sera victime de la Révolution culturelle. Pourtant, c’est la joie et la résistance des personnages, décidés à rire et à aimer, qui domine le film.

Allant à l’encontre des représentations les plus courantes de la période, Jiang Wen, dont c’était alors le premier film, tourne en dérision les figures de l’autorité.

La mère, sans cesse au bord de la crise de nerf, le père, toujours absent, sont des figures défaillantes, imparfaites, comiques ou émouvantes. L’arrestation de Monkey, accusé de draguer les filles devant l’opéra, donne lieu à une scène comique. Les représentants de l’ordre établi ne parviennent en effet pas à juguler la force de vie qui les entoure. Ainsi, une scène de classe hilarante, où l’instituteur est interrompu par un groupe d’élève qui traverse en courant la salle avant de s’enfuir par la fenêtre.

Cette scène est d’ailleurs à l’image du film. Tout y est en effet en mouvement. Le personnage principal, Monkey le bien nommé,  court, saute, bondit, escalade les toits. Sa confrontation au monde passe d’abord par ce défi face aux lois de la physique que prône l’instituteur. Perpétuellement, le personnage se trouve face au vide, qu’il contemple la ville du haut des toits, s’aventure dans une cheminée ou plonge dans une piscine. Monkey cherche le vertige.

C’est le début de l’été, et les amours font mal. Peu à peu, la comédie, la chronique de ces perpétuelles grandes vacances tourne au drame. Comme dans un conte, Monkey s’aventure le jour dans des appartements vides, explorant l’intimité de ces habitants. Et Monkey tombe amoureux.

D’une photographie, d’abord, découverte dans une chambre. D’une jeune fille ensuite, plus âgée que lui. Elle est une créature insaisissable, un fantasme dont la matérialité est uniquement attestée par le parfum qu’elle laisse derrière elle, un pied rapidement entrevu. Accroché à sa cheville, il y a une clé. Mais on ne saura jamais ce qu’elle ouvre.

De ce corps entre-aperçu naît bien sûr la découverte de l’érotisme. L’eau se mêle alors au soleil dans une danse sensuelle : les corps sont trempés de sueur ; Monkey aide la jeune fille à se laver les cheveux, découvrant avec émerveillement sa nuque ; les jeunes gens se réfugient à la piscine municipale, où les corps - revêtu, dans le cas de la jeune fille, d’un maillot de bain rouge- s’épient et se cherchent.

Chaque apparition de l’aimée fige le temps, au son de l’intermezzo de la "Cavalleria rusticana". Dans un délicieux flottement, le monde se résume à une présence, à un visage ; un flou doré adoucit les contours des corps et illumine la beauté de ce monde de l’amour auquel Monkey aspire.

L’onirisme de chacune de ces séquences vient peu à peu jeter le doute sur leur réalité. Car, dans le souvenir, où est la réalité ? Avec humour, le narrateur met le spectateur en garde : la mémoire invente des odeurs, des gestes, des espoirs qui glissent progressivement sur la perception du vécu et la remplace.

Car le désir de Monkey est sans cesse repoussé. Comme par dérision, la jeune fille qu’il aime lui offre, elle aussi, un maillot de bain rouge, qui n’est plus alors symbole de désir, mais marque d’un désintérêt poli ; elle fait par contre cadeau à son ami, plus âgé, d’une écharpe blanche d’aviateur, le costumant ainsi en héros national. Ce blanc, c’est aussi celui d’un deuil. Le deuil des amitiés et des amours, tous deux déçus.

Dans ce conte cruel de la jeunesse, le temps adoucit parfois les choses, rendant doux ce qu’on a perdu. Mais le sentiment de solitude demeure.

 

Anne Sivan         
deco
Nouveau Actualités Voir aussi Contact
deco
decodeco
• A lire aussi sur Froggy's Delight :

Pas d'autres articles sur le même sujet


# 21 avril 2024 : Des beaux disques, des beaux spectacles, une belle semaine

On fait le plein de découvertes cette semaine avec des tas de choses très différentes mais toujours passionnantes. Pensez à nous soutenir en suivant nos réseaux sociaux et nos chaines Youtube et Twitch.

Du côté de la musique :

"Génération (tome 1)" de Ambre
"Out" de Fishtalk
"Take a look at the sea" de Fontanarosa
"Venus rising" de Trio SR9 & Kyrie Kristmanson
"Perpétuel" de Vesperine
"Liminal status" de Watertank
"The great calm" de Whispering Sons
"Keep it simple" de Yann Jankielewicz , Josh Dion & Jason Lindner
Quelques nouveautés en clips avec Isolation, Resto Basket, Greyborn, Bad Juice, Last Temptation, One Rusty Band, We Hate You Please Die
nouvel épisode du Morceau Caché, consacré à Portishead
et toujours :
"Kit de survie en milieu hostile" de Betrand Betsch

"Let the monster fall" de Thomas de Pourquery
"Etat sauvage" de Chaton Laveur
"Embers of protest" de Burning Heads
"Sin miedo" de Chu Chi Cha
"Louis Beydts : Mélodies & songs" de Cyrille Dubois & Tristan Raës
"Arnold Schönberg : Pierrot lunaire" de Jessica Martin Maresco, Ensemble Op.Cit & Guillaume Bourgogne
"C'est pas Blanche-neige ni Cendrillon" de Madame Robert
"Brothers and sisters" de Michelle David & True Tones
"Prokofiev" de Nikita Mndoyants
"Alas" de Patrick Langot, Alexis Cardenas, Orchestre de Lutetia & Alejandro Sandler
"Symptom of decline" de The Black Enderkid
"Tigers blood" de Waxahatchee
"Not good enough" de Wizard

Au théâtre :

les nouveautés :

"Sonate d'automne" au Théâtre Studio Hébertot
"Frida" au Théâtre de la Manufacture des Abbesses

"Preuve d'amour" au Théâtre du Guichet Montparnasse
"Après les ruines" au théâtre La Comète de Chalons En Champagne
"Objets inanimés, avez-vous donc une âme ?" au Théâtre du Guichet Montparnasse
"Royan, la professeure de français" au Théâtre de Paris
Notes de départs" au Théâtre Poche Montparnasse
"Les chatouilles" au Théâtre de l'Atelier
"Tant que nos coeurs flamboient" au Théâtre Essaïon
et toujours :
"Come Bach" au Théâtre Le Lucernaire
"Enfance" au Théâtre Poche Montparnasse
"Lîle des esclaves" au Théâtre Le Lucernaire
"La forme des choses" au Théâtre La Flèche
"Partie" au Théâtre Silvia Monfort
"Punk.e.s" Au Théâtre La Scala
"Hedwig and the angry inch" au théâtre La Scala
"Je voudrais pas crever avant d'avoir connu" au Théâtre Essaïon
"Les crabes" au Théâtre La Scala
"Gosse de riche" au Théâtre Athénée Louis Jouvet
"L'abolition des privilèges" au Théâtre 13
"Lisbeth's" au Théâtre de la Manufacture des Abbesses
des reprises :
"Macbeth" au Théâtre Essaion
"Le chef d'oeuvre inconnu" au Théâtre Essaion
"Darius" au Théâtre Le Lucernaire
"Rimbaud cavalcades" au Théâtre Essaion
"La peur" au Théâtre La Scala

Une exposition à la Halle Saint Pierre : "L'esprit Singulier"

Du cinéma avec :

"Le déserteur" de Dani Rosenberg
"Marilu" de Sandrine Dumas
"Que notre joie demeure" de Cheyenne-Marie Carron
zt toujours :
"Amal" de Jawad Rhalib
"L'île" de Damien Manivel
"Le naméssime" de Xavier Bélony Mussel
"Yurt" de Nehir Tuna
"Le squelette de Madame Morales" de Rogelio A. Gonzalez

Lecture avec :

"Hervé le Corre, mélancolie révolutionnaire" de Yvan Robin
"Dans le battant des lames"' de Vincent Constantin
"L'heure du retour" de Christopher M. Wood
"Prendre son souffle" de Geneviève Jannelle
et toujours :
"L'origine des larmes" de Jean-Paul Dubois
"Mort d'un libraire" de Alice Slater
"Mykonos" de Olga Duhamel-Noyer
"Des gens drôles" de Lucile Commeaux, Adrien Dénouette, Quentin Mével, Guillaume Orignac & Théo Ribeton
"L'empire britanique en guerre" de Benoît Rondeau
"La république des imposteurs" de Eric Branca
"L'absence selon Camille" de Benjamin Fogel
"Sub Pop, des losers à la conquête du monde" de Jonathan Lopez
"Au nord de la frontière" de R.J. Ellory
"Anna 0" de Matthew Blake
"La sainte paix" de André Marois
"Récifs" de Romesh Gunesekera

Et toute la semaine des émissions en direct et en replay sur notre chaine TWITCH

Bonne lecture, bonne culture, et à la semaine prochaine.

           
twitch.com/froggysdelight | www.tasteofindie.com   bleu rouge vert métal
 
© froggy's delight 2008
Recherche Avancée Fermer la fenêtre
Rechercher
par mots clés :
Titres  Chroniques
  0 résultat(s) trouvé(s)

Album=Concert=Interview=Oldies but Goodies= Livre=Dossier=Spectacle=Film=