Spectacle conçu et mis en scène par Brice Coupey d'après la partition éponyme de Wajdi Mouawad, avec Brice Coupey, Fanny Catel et Ladislas Rouge. La Compagnie L'Alinéa transpose sur scène sous forme d'une spectacle pour comédiens, marionnettes et vidéo une partition de l'auteur libano-québécois Wajdi Mouawad traitant de la thématique de l'adolescence. "Assoiffés" renvoie à la soif d'absolu, de vérité et de beauté qui anime certains adolescents en perte de repères, à leur quête existentielle en impasse à défaut de valeurs et de croyances et leur confrontation douloureuse avec le principe de réalité, celle de la brutalité, voire de la barbarie, d'un monde appréhendé pendant l'enfance comme un eden magique peuplé de bisounours. Selon ses principes d'écriture qui tiennent à la déconstruction narrative, l'alinéarité temporelle et le découpage fragmentaire, et à la trame dramaturgique, qui vise à la reconstitution puzzléique, Wajdi Mouawad entrelace la parole et le récit de trois personnages. Celle-ci résulte des investigations techniques et mnésiques menées par un anthropologue judiciaire chargé d'identifier les cadavres entrelacés, tels un couple d'amoureux mythiques, de deux adolescents disparus depuis quinze ans, le volubile et révolté Murdoch et l'introvertie et mutique Norvège.
La conception et la mise en scène du spectacle assurées par Brice Coupey révèle un conséquent travail dramaturgique pour combiner, de surcroît dans les temporalités différentes induites par l'enquête rétrospective, sous le terme générique de théâtre de marionnettes, l'art marionnettique, les arts plastiques et les arts de la représentation, et la fusion du réel, du fantastique et du poétique qui gouvernent les oeuvres de Wajdi Mouawad.
A savoir, le jeu marionnettique sur table, avec des marionnettes à gaine et des poupées miniatures, et le théâtre de papier avec des figurines en deux dimensions, le jeu théâtral avec le comédien qui porte la parole du personnage et l'utilisation de la vidéo avec notamment des images télévisuelles de la Guerre du Golfe pour l'ancrage du passé. S'agissant des marionnettes, les réalisations de la marionnettiste-plasticienne-Ombline de Benque, pour les personnages en chiffon, et de sculpteuse textile Anne Bothuon, pour les grands corps enoyés en en ouate et gaze de tarlatane, sont remarquables.
Dans un judicieux dispositif scénographique de Michel Gueldry et avec la collaboration "in situ" de Ladislas Rouge, les interprètes-marionnettistes Brice Coupey et Fanny Catel s'avèrent non seulement d'émérites manipulateurs mais les comédiens sensibles d'un théâtre d'incarnation.
L'hybridation réussie des médiums et la symbiose des officiants concourent à la réussite absolu de ce spectacle qui atteste également de la richesse et de l'acuité de l'art marionnettique. |