Spectacle de la Compagnie Les Sans cou, mise en scène de Igor Mendjisky, avec Éléonore Joncquez (ou Raphaèle Bouchard), Esther Van Den Driessche, Clément Aubert, Igor Mendjisky (ou Romain Cottard), Paul Jeanson, Arnaud Pfeiffer et Frédéric Van Den Driessche.
Martin, 30 ans, apprend le même jour qu’il va être papa et qu’il est condamné à court terme par une tumeur cérébrale.
Sa compagne, Sarah, une danseuse en tournée, est loin et Martin décide de se réfugier dans sa famille d’adoption (ses parents étant mort) auprès d’une sœur psychorigide, d’un frère star de la télévision, de son ami de toujours éternel bon gars et d’un oncle, vieil ours sage et père de substitution.
Ensemble ils tenteront de comprendre l’incompréhensible, de donner du sens à ce qui doit en avoir, et surtout de vivre vite, mieux, là, tout de suite, plus vrai, plus fort. Si le pitch de la pièce peut faire penser à une mauvaise sitcom ou à un mélodrame larmoyant, dans "J’ai couru comme dans un rêve", la Compagnie Les Sans cou s’attache surtout à nous faire partager l’urgence et la beauté de la vie dans une métaphore filée avec leur vision commune de ce qu’est ou devrait être le théâtre : l’art de l’ici et maintenant, toujours sur le fil du rasoir, jamais dans la répétition, puisque répéter c’est mourir un peu. C’est dans cette optique que la pièce, œuvre collective, a été construite, par jeux, improvisations et propositions successives jusqu’à aboutir à la forme éphémère sous laquelle elle sera présentée ce soir-là, étant entendu qu’elle évoluera encore demain et les jours suivants.
Il en résulte une succession de saynètes, tantôt drôles (comme la réunion de Dieu et de ses anges dans leur jardin, ou l’accouchement de Sarah sous les pétales de fleurs) tantôt réalistes (telle la scène d’introduction pensée comme un groupe de parole faisant participer le public), tantôt au contraire surréalistes (quand le scénariste de la vie de Martin joué par l’incroyable Igor Mendjisky s’invite sur scène pour lui expliquer que ça ne va pas du tout car là, bientôt, on s’ennuie ou quand Martin rencontre sa fille devenue adolescente).
Parfois vraiment poignantes (en particulier la scène où Blandine incarnée par Eléonore Joncquez, la sœur, apprend la mort prochaine de son frère et passe en quelques secondes par tous les sentiments possibles, sans un seul mot ou presque ou quand Martin - Paul Jeanson - explique à son scénariste de vie tout ce qu’il voudrait faire du temps qu’il lui reste dans une escalade d’émotions qui vous prend aux tripes).
Et également oniriques (comme la scène plaçant le lit de Martin malade/Sarah jeune accouchée en contre plongée, au centre d’un monde qui vu du dessus semble à la fois beau et grotesque).
Si le spectacle brille par l’excellence de ses comédiens capablent de passer instantanément d’un registre à un autre, c’est surtout la maîtrise de la direction d’Igor Mendjisky qui impressionne puisqu’il réussit le pari de donner du sens et de la vie à la juxtaposition d’intentions qui prises séparément pourraient être inaudibles. Il en résulte un théâtre en mouvement, vivant, inattendu mais surtout plein d’un allant, d’un souffle qui ressemble à l’espoir. Un théâtre inspiré et inspirant. |