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Kiyoshi Kurosawa  Mars 2017

Réalisé par Kiyoshi Kurosawa. Drame/Fantastique. France/Belgique/Japon. 2h11 (Sortie le 8 mars 2017). Avec Tahar Rahim, Constance Rousseau, Olivier Gourmet, Mathieu Amalric, Malik Zidi et Valérie Sibilia.

Kiyoshi Kurosawa n’a pas renoncé à ses fantômes en arrivant en France. Ils sont bien là, dans cette grande maison de la banlieue parisienne habitée par un mystérieux photographe, tout droit sorti d’une nouvelle d’Edgar Poe, et sa fille, discrète et gracile.

Il est fréquent, chez Kurosawa, que les morts déterminent les actions des vivants. Parce qu’ils les hantent, ils sont le signe d’un passé impossible, d’une douleur insoutenable ou d’un traumatisme profond. Petite fille assassinée de "Séance", femme morte de "Rétribution", créatures de "Kaïr"o... De manière plus métaphorique, c’était aussi un fantôme qui venait poursuivre les quatre personnages de "Shokuzai".

Le premier fantôme du film est une femme : la mère, vengeresse, dont la présence est signalée par des signes d’une grande simplicité cinématographique (une porte qui s’ouvre, un courant d’air, une lampe qui se met en mouvement…).

Kiyoshi Kurosawa, grand cinéaste de l’espace, sait comme personne filmer la présence dans des lieux en apparence vides. Mais le fantôme, c’est aussi ce photographe possédé par son art et dévoré par la culpabilité. Stéphane (Olivier Gourmet) se livre à de coûteuses expérimentations : capturer l’âme d’un modèle en se servant d’un appareil photographique géant.

Grâce à cette "chambre noire", il compose des daguerréotypes grandeur nature. Assisté de Jean (Tahar Rahim), jeune homme un peu paumé , le photographe s’enferme dans un monde sans âge. Si Jean, sweat à fermeture éclair et jean, est bien de son temps, l’atmosphère ambiante évoque plutôt la Belle Epoque. Marie (Constance Rousseau), la fille de Stéphane, pose pour son père vêtue d’une longue robe bleue reproduisant celles des modèles d’antan.

Cette première partie du film ouvre une réflexion sur l’art, les limites de sa faculté de représentation et de reproduction. En opposant l’immédiateté des photographies produites par les appareils numériques à la boîte géante de Stéphane, Kiyoshi Kurosawa ne propose pas une vision nostalgique de la photographie, mais insiste sur la dimension physique que cette dernière prenait.

Dimension physique dans l’espace, avec cette boîte surdimensionnée, dimension temporelle, avec ce temps de pose de plus en plus long que doit fournir Marie, dimension matérielle que nécessite la préparation de l’appareil et des plaques géantes, opération assez fascinante et laborieuse.

Belle trouvaille du film : le modèle doit être soutenue durant les longues séances de pose, et est donc installée dans un appareil médical la forçant à garder l’immobilité. Vision médicale qui évoque les photographies d’aliénés du début du siècle, appareil de torture sorti du fond des âges, cette inquiétante mécanique transforme Marie en poupée figée.

Paradoxalement, la représentation de la vie s’effectue au mépris de tout ce qui évoque cette dernière. D’emblée, vie et mort, leur signification se mêle de manière trouble dans ces photographies qui prétendent pouvoir garder la mémoire exacte de son modèle.

Le monde des vivants n’est guère distinct de celui des morts ; mortels et fantômes n’ont de cesse de se retrouver, comme si les barrières physiques de notre univers étaient rendues poreuses par la force de notre désir ou de notre culpabilité.

Car si la deuxième partie du film s’apparente davantage à un thriller hitchcockien un peu raté, les coups d’archets de Grégoire Hetzel évoquant irrésistiblement ceux de Bernhard Hermann dans "Psycho", c’est plutôt du côté de "Vertigo" que penche la fin du film.

Dans le chef-d’œuvre d’Hitchcock, le personnage incarné par James Stewart, Scottie, perdait la femme qu’il aimait. Désespéré, il recrée alors Madeleine en se servant du corps d’une autre jeune femme, si amoureuse de lui qu’elle le laisse faire. Cette femme réinventée par la puissance d’un amour (malade ?) existe aussi chez Kiyoshi Kurosawa, elle aussi fantôme.

Car chez le cinéaste, le fantôme n’est pas qu’une créature effrayante. C’est aussi un compagnon, un être aimé : dans son très beau film précédent, Vers l’autre rive, Kurosawa filmait le voyage d’une femme et de son ami mort, et leurs rencontres avec d’autres fantômes, prisonniers du désir de leurs proches ou d’un monde qu’ils se refusaient à quitter.

On retrouve quelque chose de ces deux personnages dans le couple formé par Tahar Rahim et Constance Rousseau, mais de manière moins apaisée. "Le Secret de la Chambre noire", la femme de la plaque argentique, propose au spectateur une curieuse expérience : un film multiple, qui n’en finit pas de se déployer vers des directions inattendues.

D’où un curieux sentiment de décalage, et l’impression de ne pas savoir exactement dans quelle direction le film veut aller. Objet inégal, mais extrêmement intriguant, il interroge sur les limites du réel et du fantasme, nous invitant à passer, avec lui, vers l’autre rive.

 

Anne Sivan         
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