A la rencontre de l'élégance et du charme de Monsieur
Nous voilà dans une rencontre nouvelle. Oui, c’est vraiment surprenant, à chaque fois enrichissant… flippant aussi. Oui car qu’est-ce que je vais demander à ce Monsieur ? Il faut bien y penser, pour ne pas me faire passer pour un drôle. Car vous savez, je ne sais pas s’il en existe encore beaucoup aujourd’hui des Monsieur.
C’est donc avec une certaine appréhension que j’ai préparé cet interview qui ira avec la chronique de son album dont le titre Sir ne m’a pas plus rassuré.
Alors je me suis dit, qu’est-ce qu’un Monsieur ? J’ai cherché sur internet et j’ai trouvé cette définition qui m’a plu et qui me semble bien aller à notre musicien : "Monsieur sert aussi à désigner tout homme dont le langage et les manières annoncent quelques éducations" (Académie 8e édition).
Donc c’est clair, l’interview de Monsieur sera toute dans la retenue, je ne rencontre pas un hard rockeur ou un punk, non, mais un Monsieur. Je me prépare, méditant, réfléchissant, essayant de me rappeler les bases les plus simples de la courtoisie et de la bienséance, bon ça va, cela ne va pas être trop difficile, car l’interview a lieu au téléphone.
Voyons si cette citation de Pascal Quignard colle à notre artiste :
"Que cherchez-vous Monsieur, dans la musique ?
- Je cherche les regrets et les pleurs"
Bonjour Monsieur, cette première question est obligatoire pour tout artiste interviewé : si un handicapé ou un malade atteint d’une maladie grave vous dit que votre musique lui fait un grand bien, qu’est-ce que cela vous fait ?
Monsieur : C’est le plus beau cadeau de procurer ce plaisir-là avec sa musique. C’est génial.
Comment définissez-vous votre musique ?
Monsieur : Ce n’est pas évident, plus jeune j'ai écouté énormément de musiques différentes. Soul, rock, pop, jazz, bossa. Ma musique en est certainement la synthèse avec un peu de ma personnalité.
Vous êtes musicien depuis quel âge ? Et depuis quand composez-vous ?
Monsieur : J’ai commencé à apprendre le piano classique à 5 ans, puis au bout de deux ans, j’avais envie de faire autre chose. Quelques temps ont passé et j'ai rencontré un ami de mes parents qui était DJ, il m'a ouvert une nouvelle porte en me faisant découvrir énormément de disques. C'est à ce moment-là que j'ai découvert Prince.
Ensuite j'ai commencé à jouer de la guitare à 11 ans, composer à 13 ans et fait mon premier album à 17 ans. Album qui n’est jamais sorti, mais qui m'a permis de rencontrer un formidable ami et un virtuose des arrangements et du son, "Pierrick Merad", il m'a appris l'essentiel de ce que je connais en la matière. C'est lui qui dernièrement, a masterisé "Sir". "Bientôt chez vous", le premier album officiel de Monsieur, est sorti en 2005.
Vous êtes ingénieur du son. Est-ce que vous pratiquez encore ce travail ?
Monsieur : Je ne suis plus ingénieur du son, j’ai fait des études de son, puis j'ai eu la chance d'intégrer un gros studio parisien, cette expérience m'a appris beaucoup et m’a permis de pouvoir enregistrer mes albums moi même.
Pourquoi faites-vous de la musique ?
Monsieur : Ce n’est pas quelque chose de réfléchi, c’est un besoin vital. Albert Cohen disait : "J'écris des livres comme le pommier fait des pommes". Je compose en permanence naturellement.
Pour qui faites-vous de la musique ?
Monsieur : Pour tout le monde. Je n’ai pas envie de cibler un public par rapport à une tranche d'âge ou à une catégorie socioprofessionnelle.
Nous allons parler de votre album "Sir" mais d’abord cette question : combien d’albums avez-vous enregistrés avant "Sir" ?
Mes albums sont les suivants : "Bientôt chez vous", "Monsieur" (divisé en 2 EP (Monsieur et La Suite), "Lost in the Supermarket" (EP), "2021" et "Sir".
Où peut-on les trouver ?
Monsieur : On peut les trouver sur toutes les plateformes : iTunes, Spotify, Deezer, sous le nom de Monsieur.
Sir est un album en partie en français, en partie en anglais, pourquoi ?
Monsieur : Mon tout premier album était en anglais. Par la suite une directrice artistique que j'ai rencontrée m’a encouragé à écrire en français. Après deux albums entièrement en français, j'avais envie d'avoir plus de liberté dans ma création. Il y a des chansons que je sens en français et d'autres en anglais, je ne me mets plus de barrières, cela doit rester instinctif.
Les chansons en français : une est assez chaude, une autre est assez, comment dire "gore" style humour british, une autre parle d’un homme qui ne veut pas perdre sa copine. Aimez-vous ainsi chanter l’amour ?
Monsieur : Oui, c’est un thème qui revient souvent, même s'il y en a d'autres qui abordent des sujets de société comme "Montre moi". L'amour dans sa globalité et le rapport à l'autre sont des thèmes qui reviennent régulièrement.
A qui parlez-vous dans vos chansons ?
Monsieur : Ça dépend. Parfois, je raconte l'histoire de quelqu'un d'autre que moi, parfois ça parle d'une histoire que j'ai vécu ou d'un livre qui m'a inspiré. L'essentiel pour moi c'est que tout le monde puisse s'identifier à mes chansons.
Les chansons en anglais, de quoi parlent-elles ?
Monsieur : La première chanson de l'album Sir, "A part of history", parle du rassemblement républicain après l’attentat de Charlie Hebdo. J'avais envie d'écrire une chanson fédératrice, autour de notre solidarité pour préserver notre liberté. "Robot Fucker" parle des robots qui envahissent de plus en plus notre société. Ils vont petit à petit remplacer toute celles et ceux qui exercent des métiers de services. J'ai préféré abordé un thème plus ludique avec ce robot-là, bien que... "Inside of me" est une chanson plus métaphysique. Dans l’album 2021, les chansons abordent l'éventualité d'une rencontre avec une civilisation extraterrestre en abordant plusieurs point de vues.
Un morceau est de l’électro de bonne facture. Qu’est-ce qui vous plaît dans ce genre musical ?
Monsieur : Avec l’électro, on peut façonner le son comme on le souhaite, une palette de possibilités extraordinaires.
Etes-vous pleinement satisfait de Sir ?
Monsieur : Oui bien sûr, Même si j'ai du mal à me réécouter. J’ai tendance à passer à autre chose quand j'ai terminé un album. On fait de la musique pour les autres, pas pour soi. Cela dit quand je décide qu'une chanson est terminée, c'est que j'en suis satisfait.
Passons à vos talents divers et certains. Votre voix, vos voix devrais-je dire, d’où viennent-elles ? Car vous avez une voix rare.
Monsieur : C’est naturel. J’étais dans une chorale lorsque j'étais enfant. Nous chantions des chants religieux. J’étais soliste soprano. Ça m'a très certainement apporté une certaine rigueur.
Votre instrument principal est la guitare. Est-ce exact ?
Monsieur : Oui c'est vrai, c'est pour ça qu'avec l'album 2021 j'ai travaillé autrement, avec des claviers. On ne compose pas de la même manière avec une guitare, un piano ou même une basse, c'est important de sortir de sa zone de confort pour se réinventer.
Dans Sir, on entend à la fin de "Robot Fucker" un solo de guitare. Vous nous donnez envie d’en entendre plus. Pourquoi si peu ?
Monsieur : Ce n’est pas moi qui joue ce solo de guitare, c’est un invité : Olivier Rateau. Il est très intéressant. Cela dit, je le trouve assez long.
C’est dans votre studio que vous fabriquez vos morceaux. Comment composez-vous ? Qu’est-ce qui vous inspire tant pour la musique que pour les textes ?
Monsieur : Cela dépend. Je joue quelques accords à la guitare ou au piano. L'idéal, c'est quand tout arrive en même temps, les accords, la mélodie, puis les mots. Après il y a le studio où on ajoute les arrangements. Le studio devient un instrument à part entière. Tout est tellement instinctif. C'est difficile pour moi d'expliquer ce cursus créatif.
Composez-vous en vue de la scène ?
Monsieur : Il y a des chansons qui demandent plus de moyens pour la scène. Mon deuxième album a était conçu pour la scène. 2021 est un album plus difficile à cause de la richesse des arrangements même si nous faisons 2 morceaux de cet album. Il faut y penser avant ou réadapter le morceau car il y a beaucoup moins d'instruments à notre disposition.
Sur scène, vous êtes deux : vous et votre batteur Emmanuel Demangeon. Que vous procure la scène ?
Monsieur : Question difficile... au début du trac, puis je me sens bien dès que je commence à jouer et à chanter, je vois les réactions du public, et j'oublie progressivement ma peur. Il y a une période en studio, où l’on brûle de monter sur scène. Je pense qu'à l'avenir je jouerai les morceaux devant un public avant de les enregistrer.
Quel est votre état après le concert ?
Monsieur : Après le concert, je suis content d’aller à la rencontre du public. Je ne pars pas dans les loges, je préfère parler avec les gens tant que cela est possible. J'adore ça.
Sur scène, rejouez-vous votre album en entier ?
Monsieur : Non, nous jouons des morceaux de tous mes albums.
Vous arrive-t-il d’improviser ?
Monsieur : Non. Cela viendra peut-être. J’improvise à la voix en ajoutant des scats, des acrobaties vocales.
Qu’est-ce que vous voulez qu’on retienne de Monsieur ?
Monsieur : Que les gens oublient tous leurs problèmes lors du concert ou quand ils écoutent ma musique chez eux. Je voudrais qu'ils soient dans une bulle musicale, protégés du monde extérieur. C'est ce que la musique me procure.
Monsieur, dites-nous, en deux mots : Emmanuel Demangeon.
Monsieur : Ami, super batteur.
Hum cela fait trois, mais j’accepte (rire). En deux mots : Alexandre Dumont.
Monsieur : Manager, bienveillant.
En deux mots : Serge Gainsbourg.
Monsieur : Poésie, compositeur.
Et en deux mots : Prince.
Monsieur : Révélation, musicien absolu.
Ah encore trois mots, mais je les accepte, bien évidemment. Eh bien Monsieur, je vous remercie et vous laisse conclure cette interview.
Monsieur : Les gens peuvent trouver l’album Sir sur Itunes, Deezer, Spotify et Qobuz.
Voilà un moment passé avec Monsieur, trouvez-vous que la citation de Pascal Quignard sied à Monsieur ? Pour ma part, je ne saurais dire en toute vérité, mais celle-ci oui, ne trouvez-vous pas ? Et je vous dis au revoir avec :
"Ah ! Monsieur, on ne se méfiera jamais assez de la poésie" (Marcel Aymé)
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