Comédies mises en scène par Alberto Laombardo, avec Héloïse Lacroix (en alternance Julie Macqueron ou Aude Lanciaux) et Guillaume Dollinger.
Alberto Lombardo a eu l'idée d'écrire une suite à "Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée", pièce en un acte d'Alfred de Musset.
Quand s'achève le dialogue amoureux entre le Comte qui cherche à conquérir la Marquise, la porte est fermée et la belle récalcitrante a cédé à son prétendant qu'elle faisait lanterner depuis un sacré bout de temps.
Avec "Derrière la porte", Alberto Lombardo a donc imaginé la suite, le réveil une fois leur mariage consommé. Mais il n'a pas voulu faire une pièce à la manière de Musset, puisque les deux tourtereaux se réveillent deux siècles plus tard, sans corset pour la Marquise, en caleçon boxer pour le Comte.
En enchaînant les deux textes, il a cherché à montrer les constances et les différences de la passion amoureuse entre l'époque romantique et les temps modernes.
Chez Musset, se déclarer est le moment clé et nécessite toute une stratégie pour éviter d'être éconduit. Franchir cette étape en vainqueur, c'est dès lors être presque sûr d'arriver à ses fins. Aujourd'hui, chez Lombardo, liberté des mœurs aidant, le passage à l'acte amoureux n'est plus une garantie. C'est au contraire le moment de savoir si le partenaire ne voulait que conclure ou souhaitait aller plus loin. Le désir peut être teinté de cynisme et les désillusions nombreuses.
Pour passer d'une pièce à l'autre, Alberto Lombardo n'a pas changé de décor. C'est sur le même sofa rouge aux coussins aux couleurs chaudes que les amoureux passent du marivaudage à la dispute. Derrière eux, lascivement allongée, une femme nue paraît indifférente sur une tenture qui s'ouvre pour que le couple quitte leurs habits 1830 pour leurs vêtements 2017.
Alberto Lombardo réussit habilement la transition entre les deux textes, même si on a l'impression qu'il a freiné les ardeurs de ses comédiens dans leur interprétation de Musset. Sa version d'"Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée" est loin de pétiller, manque un peu de rythme et paraît quelque peu datée.
Sans doute, a-t-il voulu, inconsciemment, privilégier son propre texte qui a plus de relief, plus de ressort dramatique et qui donne à jouer à ces deux acteurs une scène déjà capitale de leur jeune vie conjugale.
Alberto Lombardo considère l'écriture de Musset comme "lyrique et ampoulée" et lui oppose un texte plus brut de décoffrage censé incarner l'époque contemporaine.
Ce parti-pris explique peut-être que Guillaume Dollinger et Héloïse Lacroix (en alternance avec Julie Macqueron et Aude Lanciaux) sont beaucoup plus à leur aise dans "Derrière la porte" que dans un texte classique où ils ne font pas oublier ceux qui les ont précédés dans les deux rôles.
Reste que ce double programme bénéficie d'un très bel écrin, grâce aux remarquables costumes d'Elise Léliard et à la lumière de Monica Romansio, et que ce dialogue entre deux époques sur ce qu'aimer veut dire est assez stimulant. |